L’humour s’avère être un véhicule particulièrement efficace pour l’information scientifique. C’est ainsi que, sur le plus grand enjeu de notre siècle qu’est le changement climatique, beaucoup de youtubeurs et de youtubeuses ont une carte à jouer pour venir en soutien de notre travail de journalistes scientifiques — tel que nous le faisons par exemple dans notre rubrique Environnement. Mais rares sont celles et ceux qui, à plus d’un million d’abonnés, évoquent le sujet. La chaîne d’Amixem en a 7,7 millions.
Celui-ci est spécialisé dans les défis ou encore dans les vidéos réactions. Et c’est notamment à ce titre que le connaissent ses abonnés, qui sont donc attachés à lui et son équipe pour le moment de divertissement qu’il leur procure. De temps en temps, toutefois, une vidéo de type « exploration scientifique » vient se glisser, par exemple en compagnie du célèbre Mike Horn. Sauf que celle qui a été diffusée le dimanche 14 août 2022 est encore un peu différente : le youtubeur part au Groenland assister aux vêlages de glaciers (lorsque des morceaux entiers se détachent pendant l’été).
Tout du long de cette vidéo, les traits d’humour ne manquent pas, certes, mais du contenu pédagogique vient se glisser — Aximen rappelle l’impact du changement climatique sur les vêlages, dont la fréquence est accrue de manière problématique. Mais, mieux : le youtubeur fait appel à un véritable scientifique, un glaciologue, Gaël Durand, pour l’interviewer à plusieurs reprises.
Celui-ci intervient donc pour détailler le processus des vêlages, mais rappeler aussi le rôle de la crise climatique, son ampleur, les raisons de l’Accord de Paris visant à maintenir la planète à 1,5 degré. Dans la description, également, Amixem glisse plusieurs liens vers les points clés du rapport du GIEC et d’autres éléments pédagogiques de la sorte.
Déjà regardé par près de 2 millions de personnes, le documentaire du youtubeur appartient à un type de contenu pouvant jouer un rôle majeur à l’heure actuelle. Car, pour informer sur le changement climatique, nous faisons face à un certain nombre d’obstacles :
- Le sentiment du public d’être face à des leçons de morale ;
- L’impression apocalyptique propre à générer de l’éco-anxiété, et donc le manque d’envie de prendre le temps de s’informer sur ces sujets ;
- Le caractère très scientifique, technique, des explications.
Lorsque des créations évoquent le sujet sans s’avancer directement comme du contenu scientifique et pédagogique sur le changement climatique (on pense à un film comme Don’t Look Up aussi), on surpasse une bonne partie de ces obstacles, en plus auprès d’un très large public, des millions de personnes. Non qu’il faille exclusivement passer par ce véhicule du divertissement, néanmoins ce dernier reste sous-côté : il en faudrait bien davantage encore, tant pour aborder le sujet que pour mettre en avant des scientifiques comme Gaël Durand.
Oui, les glaciers fondent à cause de changement climatique
Quant à la situation évoquée dans la vidéo d’Amixem, elle est véridique, car c’est aussi ce que l’on constate dans la littérature scientifique. « La calotte glaciaire du Groenland perd de sa masse à un rythme accéléré au cours du 21e siècle, ce qui en fait le principal responsable de la hausse du niveau des mers », constatait une étude parue dans Nature en août 2020. « La fonte des glaciers du Groenland, qui plongent dans les eaux de l’Arctique par des bras de mer aux parois abruptes, ou fjords, est l’une des principales causes de l’élévation du niveau de la mer à l’échelle mondiale en raison du changement climatique », constate également la Nasa, relayant une étude parue dans Science Advances en 2021.
Lorsqu’une calotte glaciaire est à l’équilibre, la quantité de neige qui s’accumule au sommet des glaciers est égale à la glace perdue (par la fonte, l’évaporation et les vêlages). Mais depuis les années 1990, les obsevations démontrent un déséquilibre, car le taux de perte de glace est supérieur à l’apport. Résultat, les glaciers reculent.
En cause, explique la publication, des eaux océaniques toujours plus chaudes ainsi qu’un air également plus chaud. Donc, bien que les phénomènes de fonte et de vêlage soient naturels, l’augmentation de leur fréquence de manière déséquilibrée ne l’est pas : elle est liée au changement climatique, lequel est lié à nos activités par l’émission de gaz à effet de serre.
Et c’est bien loin de ne concerner que le Groenland. Une étude publiée il y a quelques jours, en août 2022, démontrait que l’eau n’a jamais été si chaude autour du plus grand glacier du monde, en Antarctique.
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