Pendant que Perseverance scrute le cratère Jezero et que Curiosity se concentre sur celui de Gale, un autre rover arpente une partie bien plus au nord de la planète Mars : Zhurong. Le rover chinois, arrivé il y a près d’un an et demi dans la région d’Utopia Planitia, a parcouru un peu plus d’un kilomètre sur cette immense plaine désespérément plate. Ses observations suggèrent maintenant que ce bassin aride a pu vivre des périodes d’inondations importantes.
Dans une étude parue dans Nature le 26 septembre 2022, son auteur principal, Ling Chen, de l’Académie des sciences de Pékin, écrit : « Des images radar prises sous la surface nous montrent une structure en de multiples couches (…) ce qui suggère l’existence de périodes d’inondations épisodiques. »
Remonter dans le temps sur Mars
Le fameux radar qui a permis d’arriver à ces conclusions s’appelle RoPeR. C’est un instrument qui donne une image de la surface de Mars jusqu’à près de 100 mètres de profondeur. Il envoie des ondes radios qui rebondissent contre les obstacles et lui reviennent. Cela peut révéler la présence de rocs plus ou moins gros, mais également de différences de milieu, si par exemple, les ondes trouvent de l’eau ou de la glace sur leur passage. Le rover a donc pu scanner le sol sous ses roues sur plus d’un kilomètre, avant de faire un point sur ce qu’il y a vu. Une distance assez conséquente, qui montre bien que les différentes strates persistent pendant tout le trajet. Il ne s’agit ainsi pas de phénomènes trop localisés, mais bien d’une structure assez vaste.
« Ce qui est intéressant ici, c’est que nous remontons dans le temps, détaille pour Numerama Alice Le Gall, chercheuse CNRS en planétologie au LATMOS (Laboratoire Atmosphères et Observations spatiales). Nous pouvons retracer l’histoire géologique de Mars et interpréter ce que nous voyons. »
La scientifique a travaillé sur un autre radar un peu similaire monté sur le rover Rosalind Franklin, toujours cloué au sol depuis le début du conflit en Ukraine. Les deux instruments ont un peu le même principe, si ce n’est que le radar chinois va davantage dans les basses fréquences, ce qui lui permet de voir plus profond, mais avec une résolution moindre. Celui de Rosalind Franklin doit surtout servir à guider la foreuse du rover lors des prélèvements.
Mais, qu’a vu Zhurong sous le sol martien ?
- Tout d’abord, une fine couche de régolithe sur quelques mètres. Essentiellement de la poussière qui recouvre la surface, rien de très nouveau pour l’instant.
- Ensuite, une couche de 10 à 30 mètres de profondeur, où se trouvent des roches un peu plus grosses, jusqu’à quelques dizaines de centimètres.
- Puis, de 50 à 80 mètres, une strate sur laquelle les roches sont plus grosses, parfois plusieurs mètres.
Un passé dynamique, mais pas forcément d’eau
Pour la dernière couche plus profonde, les chercheurs sont assez sûrs d’eux : il a dû se produire une crue monumentale, qui a déplacé des rochers énormes pour les amener jusqu’à la plaine d’Utopia Planitia. Un événement qui s’est produit à la fin de l’Hespérien, il y a environ trois milliards d’années.
La couche du dessus représente un événement plus récent, et là, les auteurs ont plusieurs interprétations. La plus attrayante, sur le plan scientifique, serait celle de l’événement aqueux. Une autre inondation moins importante que la première, mais tout de même suffisante pour drainer quelques sédiments et des roches de petite taille, aurait eu lieu. Cela montrerait que Mars a pu contenir de l’eau liquide en quantité assez importante, il y a moins de trois milliards d’années, ce qui serait un indice de plus pour affirmer que la planète a bien été habitable.
Mais, rien dans les données ne permet de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse. Ces roches peuvent très bien être liées à l’érosion ou à des impacts. Les modèles théoriques montrent que l’inclinaison de Mars a changé depuis la formation de la planète. Ceci aurait considérablement pu influencer le climat, voire le rendre plus favorable au développement de la vie il y a quelques milliards d’années, mais nous manquons de preuve formelle.
« C’est très compliqué d’interpréter ces données, nuance Alice Le Gall. Les images radars seules ne sont pas suffisantes, mais cela nous révèle tout de même un passé de Mars et de cette région assez dynamique. »
Utopia Planitia se situe tout près d’Elysium Mons, un volcan gigantesque de plus de 14 kilomètres de hauteur. Et, ce que ces données suggèrent, c’est que les coulées de lave n’ont pas atteint la plaine, car cela aurait provoqué l’apparition de strates bien plus définies que ce qui est visible ici.
Pas de volcanisme, et pour ce qui est de l’eau, les images n’ont pas permis d’en détecter, ni sous forme de glace, ni sous forme de saumure mélangée avec du sel. « Ce n’est pas non plus un non définitif, prévient Alice Le Gall. L’eau sous cette forme est difficile à détecter avec une résolution faible, et rien n’empêche qu’il y en ait plus profondément, là où le radar n’arrive plus à pénétrer. »
Dans tous les cas, Zhurong va poursuivre son périple pour en savoir plus. Il est actuellement le seul rover à pouvoir scanner aussi profondément sous la surface de Mars. Perseverance, avec son RIMFAX, dispose d’une technologie similaire, mais conçue pour ne plonger qu’à une dizaine de mètres sous la surface.
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