Les étoiles les plus massives se transforment en supernova à la fin de leur « vie », mais cet événement n’a jamais pu être observé en direct. Pourtant, certains signes annonciateurs peuvent être repérés et sont à surveiller pour voir enfin un tel événement prochainement.

En 1604, le ciel brille étrangement et les astronomes de l’époque observent, médusés, une étoile exploser en direct. Plusieurs témoignages, notamment signés de Johannes Kepler, décrivent ce phénomène qui reste visible pendant toute une année et qui sera nommé, bien des siècles plus tard, « supernova ».

Depuis, l’humanité n’a pas été témoin d’un phénomène semblable, même si nos connaissances sur ces événements sont beaucoup plus grandes. Nous savons désormais qu’il s’agit d’une explosion d’étoile, un astre beaucoup plus massif que notre Soleil, qui se débarrasse brusquement de toute sa matière. Les vestiges de cette formidable explosion restent visibles à l’œil nu pendant des mois, même dans le cas d’événements très lointains.

Un tel spectacle serait incroyable et il y en a en permanence à travers l’Univers. Seulement, il ne se produit qu’une poignée de supernovae chaque siècle dans une galaxie comme la nôtre, pas plus de trois selon les études les plus optimistes. Toutes celles que nous pouvons observer ont lieu dans d’autres galaxies, et à chaque fois, elles sont détectées après l’explosion qui, elle, ne dure qu’une seconde. Heureusement, il peut être possible de prédire ces événements afin d’arriver à l’heure à la séance. C’est ce qu’affirme une nouvelle étude parue dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, le 13 octobre 2022.

Résidu d'une étoile massive ayant explosé en supernova. // Source : NASA and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA) (image recadrée)
Résidu d’une étoile massive ayant explosé en supernova. // Source : NASA and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA) (image recadrée)

« En premier lieu, nous nous sommes intéressés aux supergéantes rouges, raconte à Numerama un des auteurs, Bertrand Plez, professeur à l’Université de Montpellier. Ce sont les étoiles qui vont plus tard devenir des supernovae, et qui connaissent des vents importants qui leur font perdre leur masse rapidement. »

Pour l’étoile Bételgeuse, ça ne collait pas

Ces vents étaient déjà connus, il s’agit de phénomènes qui éjectent de la matière de l’étoile. Une poussière qui se retrouve ensuite présente, après une supernova. Il était donc à peu près admis que, par un mécanisme encore mal défini, l’étoile perdait de la matière en grande quantité avant d’exploser.

Mais, combien de temps peut durer cet effilochage gigantesque ? Certaines théories évoquent des dizaines d’années, voire un siècle. Ce qui est intéressant, c’est que cette matière éjectée est très facilement visible sur les géantes rouges les plus brillantes, Bételgeuse par exemple. Et, lorsque l’étoile a connu des pertes brutales de luminosité en 2019 et 2020, de nombreux observateurs s’attendaient à la voir se transformer en supernova. Les espoirs étaient grands du côté de la communauté scientifique et du grand public (ainsi que de la rédaction de Numerama). Mais, rien ne s’est produit et Bételgeuse a fini par retrouver sa luminosité habituelle.

« Dans le cas de Bételgeuse, ça ne collait pas tout à fait, la diminution de luminosité aurait dû être bien plus forte, précise Bertrand Plez. Mais, nous avons conçu un modèle qui précise le comportement des étoiles avant leur explosion. »

Ce modèle qui prend en compte ces vents violents et la baisse de luminosité permet de dégager deux possibilités, afin d’expliquer le mécanisme avant la supernova.

  • Dans le premier cas, les super-vents éjectent de la matière pendant plusieurs décennies. Cette poussière entoure l’étoile et la couvre de plus en plus jusqu’à ce qu’elle devienne progressivement invisible à nos yeux. Puis la supernova se produit.
  • Dans l’autre cas, une immense bouffée de matière obscurcit l’étoile en moins d’un an. Un gros nuage représentant de 5 à 10 % de la masse totale de l’étoile apparaît brusquement, et l’instabilité provoque la supernova.

Des étoiles intactes juste avant leur explosion

Les deux modèles semblaient valables, mais les auteurs sont allés plus loin en allant chercher les archives des télescopes qui ont observé des supernovae dans d’autres galaxies. À chaque fois, le phénomène n’avait pas été vu en direct, mais les observateurs étaient tombés sur des supernovae déjà formées. « Ce qui est intéressant, raconte Bertrand Plez, c’est que sur les images prises par les mêmes télescopes moins d’un an avant la supernova, les étoiles étaient tout à fait ordinaires ! Autrement dit, rien n’avait commencé à les obscurcir. » Une preuve que sur les deux modèles décrits plus haut, seul celui de la bouffée de matière peut être conservé.

Cette découverte a deux implications. Tout d’abord, le comportement de Bételgeuse aurait pu être mieux prédit. La quantité de matière qui la rendait plus sombre était trop faible et ne s’est pas maintenue suffisamment pour laisser croire à une supernova. Il s’agissait bien d’une perte de matière, mais beaucoup plus modeste et localisée. Les espoirs auraient pu être mis de côté bien plus tôt !

Et, surtout, ce modèle peut aider à mieux prévoir les supernovae à venir dans notre galaxie. Au lieu de se demander si une baisse de luminosité doit être surveillée pendant un siècle pour espérer voir quelque chose, nous savons maintenant que si l’étoile devient soudainement moins brillante, l’explosion aura lieu dans l’année qui vient. « Je pense que nous en verrons prochainement, assure Bertrand Plez. Nous avons maintenant des télescopes qui regardent des pans entiers du ciel, et même des étoiles d’autres galaxies, ce qui multiplie les possibilités de tomber sur un tel phénomène. »

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