Un vaisseau a frôlé Phobos, un satellite de Mars, le 23 septembre 2022. Son nom : Mars Express. Cette sonde spatiale, propulsée par l’Agence spatiale européenne il y a près de 20 ans, est passée à 83 km de la surface de l’astre étrange qui orbite autour de la planète rouge.
À la base, cet engin était uniquement destiné à survoler Mars. Son but était de se placer à 250 km d’altitude environ. Il devait prendre des images les plus détaillées possibles de la surface de la planète et de son sous-sol, grâce à un radar nommé MARSIS, et établir une carte de Mars. Mais, il y a eu quelques changements pour aller observer Phobos. Il faut dire que ce satellite de Mars intrigue par sa petite taille (moins de 30 km de diamètre) et sa surface irrégulière qui lui donne l’air d’un astéroïde perdu.
Les spécialistes se battent depuis des décennies pour savoir s’il s’agit d’un fragment de Mars éjecté lors d’un choc passé, ou d’un simple astéroïde capturé par la gravité de la planète rouge. Phobos a même été au cœur de nombreux fantasmes. Durant le 20e siècle, des théories ont émergé pour dire qu’il était creux, voire qu’il s’agissait d’une construction artificielle mise au point par les Martiens… Mais, même en écartant tout cela, il est vrai que les données sont rares, car il est difficile d’aller voir un tel corps céleste sans s’approcher considérablement. C’est là que Mars Express entre en action.
Une mise à jour de Windows 98
« Comme le but, au départ, était d’observer Mars, il y avait une altitude minimale, détaille pour Numerama Carlo Nenna, ingénieur sur MARSIS. Le temps entre le signal envoyé et la réception de son écho correspondait à 250 km. Mais, nous avons fait des mises à jour et découvert que nous pouvions réduire ce délai, et donc cette altitude. »
Télécharger une update sur un appareil situé à des dizaines de millions de kilomètres, conçu à l’époque de Windows 98, est loin d’être simple ! C’est pourtant ce qui a été fait par les équipes de Carlo Nenna. Aujourd’hui, Mars Express devrait être théoriquement capable de descendre à 35 km d’altitude.
Le dernier survol n’était qu’un avant-goût et les responsables en prévoient d’autres plus proches pour les deux années à venir. C’est un progrès essentiel, selon Andrea Cicchetti, scientifique de l’Institut national d’astrophysique de Bologne qui travaille sur MARSIS. « Phobos est petit. Il faut donc pouvoir aller plus près pour étudier plus en détail sa structure interne. C’est seulement là que nous pourrons savoir s’il est uniforme, ou s’il y a différentes couches de matière, ou des cavités. »
MARSIS peut être très utile pour découvrir ce type de détail. C’est déjà cet instrument qui a trouvé de possibles signes d’eau liquide enfouie sous la surface de Mars. Pour cela, il envoie des ondes réfléchies de différentes manières selon le type de milieu qu’elles traversent.
Cette méthode a pu être utilisée pour la première fois sur Phobos. Le survol a fait apparaître quelques informations plutôt intéressantes. « Pour la première fois, nous avons eu une anomalie dans les données, raconte Andrea Cicchetti. Il y a eu des sous-réflexions sous la surface, ce qui peut être le signe de stratifications ou de cavités. C’est encore un peu tôt pour le confirmer et il faudrait une analyse plus poussée, mais c’est ce qui ressort à première vue. »
En attendant un coup de main du Japon
Outre sa taille, l’autre difficulté liée à Phobos, c’est sa forme. Comme sa surface est très irrégulière, il est plus difficile d’obtenir une vue nette de son sous-sol, comparé à un objet plus sphérique comme Mars. Mais, ces premiers indices suggèrent que le satellite serait bien issu de la planète, et qu’il aurait été arraché lors d’un impact dans un événement semblable à celui qui aurait mené à la formation de notre Lune terrestre.
Cela dit, l’incertitude demeure, car la forme de Phobos continue de lui donner l’allure d’un astéroïde. Comme sa couleur, qui rappelle celle des astéroïdes carbonés, nombreux dans la ceinture d’astéroïdes. Même si cette hypothèse semble aujourd’hui en position de faiblesse, il est impossible de l’écarter complètement et Mars Express devrait aider à lever le voile sur ce mystère dans les années qui viennent.
L’histoire ne s’arrête pas là. Mars Express servira avant tout à déblayer le terrain pour une autre mission spécialement dédiée à Phobos : MMX. Martian Moons Exploration est un projet de la Jaxa, l’agence spatiale japonaise, dont le décollage est prévu pour 2024. La sonde doit étudier Phobos, mais également Déimos, l’autre satellite martien semblable au premier. Là où la mission est beaucoup plus approfondie, c’est qu’elle doit ramener un échantillon de Phobos, ce qui serait une première.
Jusque-là, les précédentes explorations consacrées à cet astre se sont conclues par des échecs, avec deux sondes russes, Phobos 1 et 2, lancées en 1988. Elles ont toutes deux perdu le signal prématurément. MMX pourrait rompre cette malédiction et apporter enfin quelques réponses sur cette lune si inhabituelle.
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