D’apparence, on croirait voir une sorte de sablier cosmique. Au lieu du sable, on a l’impression que du gaz interstellaire s’écoule patiemment par un minuscule point lumineux. C’est une illusion : ce n’est pas un instrument qui sert à prendre la mesure du temps. Cette image montre une étoile en cours de formation. Une étoile en devenir. Une proto-étoile. Son nom ? L1527.
Cette photographie a été présentée le 16 novembre par la Nasa — qui a eu une journée bien animée, avec le vol inaugural tant attendu du Space Launch System (SLS), qui marque le début officiel du programme Artémis et le retour des astronautes sur la Lune. Elle a été capturée par le télescope spatial James Webb avec sa caméra infrarouge NIRCam.
Au centre du sablier, l’étoile en gestation. Si l’on regarde attentivement, on note que l’astre semble barré par un trait noir horizontal. Cette ligne sombre n’est pas une caractéristique d’une proto-étoile, mais le signe d’une autre naissance : celle d’une proto-planète. Il s’agit en fait d’un segment du disque de matière qui est en train de se former autour de l’étoile.
Une proto-étoile qui n’a que 100 000 ans d’âge
C’est même une proto-étoile extrêmement jeune — son âge est estimé à 100 000 ans environ (et c’est très jeune à l’échelle de l’Univers). Dans la classification des proto-étoiles, elle tombe dans la classe dite 0, le stade le plus précoce de la formation des étoiles. Cette classification est établie sur les observations concernant la luminosité de l’astre, mais aussi le « chaos » tout autour d’elle.
Tout autour justement, on trouve du gaz, y compris dans les portions sombres autour de L1527. Plus la couleur tire vers le rouge et l’orange, plus la densité de poussière est élevée. Mais plus la gamme chromatique va vers le bleu, plus les poussières sont fines et espacées. On le devine en admirant les variations de couleurs : la distribution n’est pas tout à fait homogène.
Se pose alors une question évidente : pourquoi l’étoile n’éclaire-t-elle pas partout, y compris les zones sombres ?
C’est justement à cause du disque de matière qui a un effet de masque et bloque la lumière de l’étoile. Résultat, le gaz n’est éclairé que là où le disque ne fait pas obstacle, c’est-à-dire en « haut » et en « bas ». C’est un peu comme une lampe torche : le cône de lumière ne va que dans une direction (les autres étant « bloquées » par la coque et les composants de l’appareil).
Et ce disque protoplanétaire est loin d’être minuscule. L’agence spatiale américaine précise qu’il a la taille de notre système solaire, dont la longueur se chiffre en dizaines de milliards de kilomètres. Mais de là où l’on se trouve, tout cela semble infinitésimal : L1527 se trouve à environ 450 années-lumière de la Terre, dans la constellation du Taureau.
Malgré l’immense fossé qui nous sépare de l’astre, les astronomes sont capables de dire que L1527, découverte en 2012, « ne produit pas encore sa propre énergie par la fusion nucléaire de l’hydrogène », comme une étoile normale. Sa forme n’est pas complètement sphérique, mais également « instable ». Quant à sa masse, elle est située entre 20 et 40 % de celle du Soleil.
Cette prise de masse est justement en cours — c’est ce que montrent les amas de gaz tout autour. Toute la poussière stellaire des environs est progressivement attirée vers le centre, là où se trouve la protoétoile. Cela a pour effet d’alimenter l’astre, de lui permettre de grossir, de se comprimer et d’atteindre le seuil d’équilibre entre sa masse gravitationnel et le déclenchement de la fusion nucléaire.
C’est une phase qui sera extrêmement longue à notre échelle. L1527 ne sera pas une étoile à part entière avec des dizaines et des centaines de milliers d’années. Mais pour les astronomes, c’est une formidable opportunité d’avoir un cas qui peut renseigner sur la formation des étoiles, des planètes et des systèmes solaires. Comme le nôtre.
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