C’est désormais acté : l’Union européenne (UE) aura prochainement une troisième constellation satellitaire. Son nom ? IRIS², qui signifie « Infrastructure de Résilience et d’Interconnexion Sécurisée par Satellites de l’Europe ». Il s’agit de fournir une nouvelle structure spatiale souveraine, pour ne pas dépendre de groupes étrangers.
L’officialisation d’IRIS² a été faite le 17 novembre 2022 par Thierry Breton, le commissaire européen en charge de la défense, du numérique, de l’espace et de la politique industrielle. C’est en effet ce jour qu’un accord tripartite a été conclu entre la Commission, le Parlement et le Conseil, qui réunit les gouvernements des États membres de l’UE.
IRIS², nouvelle constellation souveraine de l’UE
Le projet IRIS² était déjà dans les cartons depuis plusieurs mois. En tout début d’année, le même Thierry Breton faisait état du souhait de Bruxelles que l’Europe se dote de sa propre constellation de satellites pour aller sur Internet, pour ne pas avoir à compter sur Starlink — la solution d’Elon Musk — et, plus généralement, de n’importe quel prestataire américain ou chinois.
Déjà à l’époque, le commissaire européen évoquait quelques caractéristiques de ce futur essaim : des satellites de quelques centaines à quelques milliers d’unités, un déploiement en orbite basse, des communications haut débit pour le secteur civil, un volet militaire et étatique pour des liaisons plus sécurisées encore, et même des « communications quantiques ».
Ces spécificités ont été rappelées à l’occasion du message de Thierry Breton. Il est bien question de fournir un accès à Internet à toute l’Europe, en particulier dans les zones qui n’ont pas accès aujourd’hui au haut débit — c’est-à-dire les régions les plus reculées du continent, comme en montagne, mais aussi dans les zones les moins densément peuplées.
Le message du commissaire indique également la possibilité de connecter toute l’Afrique, en s’appuyant « sur les orbites Nord-Sud de la constellation ». Une façon de proposer une alternative au continent qui ne soit ni américaine, ni chinoise, ni même russe. En revanche, il n’est pas clair si les territoires ultramarins de l’UE (la Nouvelle-Calédonie par exemple) y auront accès.
Concernant le positionnement des satellites, Thierry Breton fait état d’une « constellation multi-orbites », pour « réduire les risques de congestion spatiale ». Les appareils devraient toutefois tous se trouver globalement à quelques centaines de kilomètres de la surface terrestre. On regroupe dans l’orbite terrestre basse tout ce qui se trouve sous le seuil des 2 000 km.
Et, comme prévu, « IRIS² sera une constellation tournée vers les services aux gouvernements, y inclus des applications de défense », ajoute-t-il. Ces services et ces applications devraient notamment pouvoir bénéficier du « cryptage quantique » — il s’agit d’une nouvelle branche de la cryptographie qui exploite les propriétés de la physique quantique pour fonctionner.
Des communications inviolables
L’utilisation de la physique quantique pour la distribution des clés de chiffrement vise à garantir leur confidentialité et leur intégrité. En somme, les communications à travers cette solution assure l’inviolabilité des échanges en toutes circonstances, rappelle l’Agence spatiale européenne comme le Commissariat à l’énergie atomique (CEA).
Ici, cette cryptographie consiste à transmettre des qubits générés aléatoirement. Ces qubits constituent les fameuses clés cryptographiques, que l’on utilise ensuite pour chiffrer et déchiffrer les messages. Or, explique le CEA, « dans la mesure où il est impossible de cloner une information quantique sans qu’elle soit détruite, ou de mesurer un état quantique sans le modifier, la lecture de l’information par un intrus serait immédiatement détectée par les destinataires du message. »
Ces capacités de cryptographie quantique incluront « les dernières technologies de communication » dans ce domaine, fait savoir Bruxelles, en s’appuyant notamment sur l’infrastructure européenne de communication quantique (EuroQCI — European Quantum Communication Infrastructure). Cette initiative, lancée en juin 2019, réunit les 27 pays de l’UE.
Le projet IRIS² s’inscrit dans un programme de connectivité sécurisée pour une période allant de 2023 à 2027. Selon Thierry Breton, un premier financement de 2,4 milliards d’euros sur cinq ans — somme qui sera complétée par l’Agence spatiale européenne et par des investissements privés. Il n’est pas précisé de combien. La mise en place d’IRIS² est attendue pour la décennie 2020.
La mission Eagle-1 : un essai quantique pour un satellite européen
Dans ce domaine, un satellite de démonstration, EAGLE-1, doit être mis en orbite en 2024. Il sera alors le premier système spatial de distribution de clés quantiques du Vieux Continent. Pendant trois ans, il devra démontrer la faisabilité du projet, de valider les orientations techniques et les composants et d’alimenter en données les équipes en vue du développement EuroQCI et IRIS².
Dans le cadre des expérimentations avec EAGLE-1, plusieurs pays européens membres de l’Esa sont mobilisés : l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, la Belgique, la République tchèque, l’Italie et la Suisse. Les communications avec le satellite se feront avec des terminaux optiques déployés en Allemagne et aux Pays-Bas.
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