2022 fut l’année du retour de l’humanité sur la Lune. Presque. Car si aucun humain n’est bien retourné voir notre satellite, il y a eu Artemis I et son vaisseau habitable Orion qui a fait un petit tour en orbite avant de revenir sur Terre. Et avant Artemis II qui réitérera cette opération, mais avec des humains à bord, jetons un coup d’œil sur les missions prévues pour 2023. Aucun projet habité, mais la Lune va être témoin d’une activité plutôt intense.
La Nasa prépare Artemis II
La Nasa n’arrête pas d’envoyer tout et n’importe quoi vers notre satellite. A côté de son programme Artemis, l’agence spatiale américaine développe aussi le programme CLPS pour Commercial Lunar Payload Services, qui consiste à transporter des instruments scientifiques par le biais d’entreprises privées. En bref, la Nasa achète une place pour son matériel à bord d’un engin construit par un industriel extérieur.
« C’est logique dans l’esprit de la Nasa, détaille Jean Blouvac, responsable thématique Exploration et Vols Habités au CNES (Centre national d’études spatiales). Leur idée est de développer une économie au-delà de l’orbite basse, en l’étendant à la Lune. Il y a une volonté d’inclure l’industrie en lui accordant une place dans l’extension de l’activité.»
Concrètement, cela se traduit par plusieurs engins qui vont transporter des charges utiles scientifiques jusqu’à la Lune. Parmi eux, Nova-C, un atterrisseur construit par Intuitive Machines, qui devra déposer plusieurs appareils, dont un extracteur de glace, dans l’espoir de trouver de quoi libérer de l’eau sur la Lune.
Dans l’année, il devrait également y avoir Peregrine, un autre atterrisseur développé cette fois par Astrobotic Technology. Il aura sur lui environ 100 kilos de matériel avec différents instruments scientifiques. Car oui, même si tout cela peut ressembler à des projets purement industriels, la science n’est pas oubliée. «C’est une situation d’opportunité, résume Jean Blouvac. Il y a une volonté d’imaginer des services comme le transport ou l’extraction de ressources, mais on en profite également pour essayer de mieux connaître la Lune. Tout cela concorde avec la volonté d’installer une présence humaine plus durable là-bas.»
Ces missions vont donc apporter du matériel utile pour étudier la Lune, mais elles servent aussi à acquérir de l’expérience en ce qui concerne les techniques d’atterrissage, qui sont toujours aujourd’hui un véritable défi.
À côté de ça, la Nasa va continuer à travailler sur son programme habité. L’année 2023 sera certainement consacrée à l’étude des données récoltées d’Artemis I, afin de préparer la suite à partir de 2024.
Vers une alliance Emirats-Japon-France
En 2023, les États-Unis ne seront pas les seuls sur la Lune, loin de là. Après le rover chinois Yutu 2, un autre véhicule doit bientôt se poser. Il s’agit de Rashid 1. Ce minuscule rover d’à peine une dizaine de kilos a déjà été lancé le 11 décembre dernier, mais il n’arrivera à sa destination qu’au mois de mars. Rashid est le résultat de la première mission lunaire des Émirats arabes unis. Le pays, qui a déjà connu un succès vers Mars en 2021 avec la sonde Hope, continue de se faire une place dans le paysage spatial international. Cette mission s’est construite en partenariat avec la firme japonaise iSpace qui a construit un atterrisseur nommé Hakuto-R destiné à déposer des charges utiles de petite taille à la surface de la Lune.
La France est aussi présente sur cette mission, car c’est le CNES qui a créé les petites caméras qui seront présentes sur le rover. Trois caméras CASPEX qui sont placées à l’avant, à l’arrière, et au bout d’un mât de Rashid 1.
Le Japon, de son côté, a une autre mission lunaire dans ses tuyaux pour 2023. SLIM est un atterrisseur de 730 kilos avec une caméra chargée d’observer de près les roches lunaires. L’idée est de déterminer comment s’est formée la Lune en étudiant des fragments rocheux en surface qui pourraient être remontés du manteau. Mais la science n’est là aussi que secondaire, car le but principal est d’améliorer la technologie concernant l’atterrissage lunaire, en espérant arriver à moins de 100 mètres du point visé.
L’essor des missions spatiales en Asie
«Se poser de façon précise, sur un terrain qui n’est pas plat, est toujours très compliqué », reconnaît Jean Blouvac. « C’est un domaine très complexe qui nécessite beaucoup de technologie et d’apprentissage. Sans compter le fait qu’il faut construire des charges utiles capables de résister aux conditions très difficiles sur la Lune. »
Ces difficultés, l’Inde en a fait les frais. En 2019, Chandrayaan-2 perdait le contact avec la Terre pendant sa descente, à quelques centaines de mètres du sol. Mais en 2023, l’ISRO, l’agence spatiale indienne, retente sa chance avec Chandrayaan-3. Une sonde composée d’un atterrisseur et d’un petit rover, quasiment identique à ce que proposait déjà son malheureux prédécesseur. En revanche, l’orbiteur avait fonctionné correctement et avait récolté des données pendant environ un an. Là aussi, l’orbiteur de Chandrayaan-3 est fait pour durer au moins une année tandis que le rover ne devrait parcourir la surface que pendant deux semaines.
Enfin, terminons avec un autre pays d’Asie qui se lance dans la course à la Lune : la Corée du Sud. La mission Danuri a été lancée en août 2022, mais elle n’est arrivée en orbite lunaire qu’en décembre, et c’est en février qu’elle commencera réellement sa phase scientifique. Il s’agit d’un orbiteur qui doit se placer à une centaine de kilomètres d’altitude pour prendre des images de la surface lunaire. Dans son paquetage, des caméras haute résolution, un spectromètre pour analyser les éléments chimiques du sol, et un magnétomètre qui s’intéresse au champ magnétique lunaire.
Les missions vers la Lune seront donc nombreuses en 2023. Et si la logique de déléguer toujours davantage le transport au secteur privé se poursuit, il faut s’attendre à encore plus d’activités dans les années à venir, car pour les entreprises, il est bien plus rentable de réaliser des lancements réguliers. Résultat, les prévisions 2024 pourraient être tout aussi chargées.
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