La géoingénierie solaire semble être un concept futuriste. L’idée : agir directement sur l’atmosphère de la Terre pour en modifier les conditions. Très controversée dans le milieu scientifique, cette approche prétend proposer des solutions directes contre le changement climatique — au risque cependant que le résultat soit pire, d’où la controverse.
Pour la startup Make Sunsets, la géoingénierie est une réalité bien actuelle. En tout cas, c’est ce que suggère une publication du MIT Technology Review fin 2022. L’entreprise prétend avoir déjà lancé des ballons-sondes libérant des particules réfléchissantes de soufre dans la stratosphère.
Comment fonctionne la startup Make Sunsets ?
Ce n’est pas tout. Make Sunsets commercialise ces émissions : la startup propose, sur son site, d’acheter des « cooling credits » (crédits de refroidissement) pour la somme de 10 dollars chacun. « Nous libérerons pour vous au moins 1 gramme de nos ‘nuages’ dans la stratosphère, compensant ainsi l’effet de réchauffement d’une tonne de dioxyde de carbone pendant 1 an », indique Make Sunsets.
Cette stratégie repose en effet sur l’idée qu’en émettant des particules capables de réfléter les rayons du Soleil, la chaleur « rebondit » également, prévenant ainsi en partie le réchauffement. C’est ainsi que fonctionne l’effet albédo dans les pôles : la glace réfléchit la lumière du Soleil et limite la chaleur. De même, on connaît des épisodes d’éruption volcanique ayant rejeté suffisamment de dioxyde de soufre pour refroidir temporairement le climat.
Les risques de la géoingénierie solaire sont méconnus
Sur le papier, on peut se dire que l’idée est bonne. Mais, dans les faits, elle n’est… qu’une idée. Il n’existe aucune preuve que cela fonctionne à une telle échelle et, surtout, que cela ne puisse pas avoir des effets plus néfastes que la solution, en « jouant » avec le climat de manière déraisonnable. La promesse de Make Sunsets ne repose donc pas sur grand chose. « L’état actuel de la science n’est pas assez bon… que ce soit pour rejeter, ou accepter, sans parler de mettre en œuvre », la géoingénierie solaire, avertit Janos Pasztor, directeur exécutif de la Carnegie Climate Governance Initiative, dans un mail adressé au MIT Technology Review. « Aller de l’avant avec la mise en œuvre à ce stade est une très mauvaise idée. »
Pire, certains commentateurs interrogés par le magazine dénoncent l’équivalent d’une grande escroquerie : « Ce qu’ils prétendent accomplir avec ces crédits correspond très exactement à ce qui est incertain à l’heure actuelle au sujet de la géoingénierie », alerte Shuchi Talati, créateur d’une organisation à but non lucratif visant à une meilleure gouvernance pour la géoingénierie. Il dénonce la vente de crédits qui ne correspondent tout bonnement à rien de quantifiable — et que le discours est faussement humanitaire.
Les critiques ne sont pas nouvelles. Début 2022, un collectif constitué de plusieurs dizaines de scientifiques avait adressé une lettre ouverte aux Nations unies pour appeler à un encadrement plus strict des expérimentations en géoingénierie.
Ils dénonçaient trois dangers :
- Que les risques soient insuffisamment connus ;
- Que cela soit néfaste aux actions visant à limiter le changement climatique ;
- Que cela pose un problème diplomatique, posant la question de « qui » serait en droit de contrôler la géoingénierie de toute une planète.
Le cofondateur de Make Sunsets, Luke Iseman, a répondu au MIT Technology Review que, pour lui, il est justement temps d’aller de l’avant et de dépasser la controverse. « Il est moralement incorrect, à mon avis, que nous ne fassions pas cela », affirme-t-il. Selon Iseman, les actions pour contrecarrer le changement climatique ne sont pas assez rapides, alors il est temps d’utiliser la géoingénierie solaire et « de le faire aussi rapidement et sûrement que possible ».
La géoingénierie au doigt mouillé
Mais la réalité de sa façon de procéder n’inspire pourtant pas confiance. Les premiers lancements de ballons météorologiques étaient très rudimentaires. Il n’a pas été en mesure de donner des détails précis au MIT Technology Review : on sait juste que ces tests ont eu lieu « en avril quelque part dans l’État de Basse-Californie » et, ce, bien avant que Make Sunsets ne soit constitué en entreprise. Iseman explique au magazine avoir inséré quelques grammes de dioxyde de soufre dans les ballons et « ajouté ce qu’il estimait être la bonne quantité d’hélium pour les transporter dans la stratosphère ».
Il « s’attendait » alors à ce que les ballons éclatent sous la pression à cette altitude, libérant les particules réfléchissante de soufre. Mais comme le relève le MIT Technology Review, on n’en sait pas davantage. L’éclatement des ballons s’est-il produit ? Si oui, où les ballons ont-ils finalement atterri ? Quel a été l’impact des particules ? Même Iseman ne le sait pas : « Il n’y avait aucun équipement de surveillance à bord des ballons », découvre le magazine. Sans compter que l’expérimentation a eu lieu sans la moindre autorisation des autorités compétentes.
« C’était vraiment dans le cadre d’un projet scientifique. En gros, il s’agissait de confirmer que je pouvais le faire », justifie Iseman. Mais on ne peut pas dire que ses explications soient rassurantes. Inversement, la startup Make Sunsets confirme d’autant plus le risque que le procédé, en l’absence de cadre légal plus strict, consiste essentiellement à jouer à l’apprenti sorcier.
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