Ce sont les premiers êtres vivants, découverts à ce jour, à avoir l’eau à la bouche en présence de virus. Une étude publiée le 27 décembre 2022 décrit, pour la première fois, d’un organisme qui se nourrit de virus. Ce n’est probablement pas le seul.
Tout est parti d’une hypothèse et l’équipe de recherche a mis en œuvre une expérience pour la vérifier. Pour ce faire, ils ont prélevé l’eau d’un étang dans lequel ils ont cultivé une riche vie micro-organique. Puis, ils y ont intégré une grande quantité d’un virus appelé Chlorella (ou chlorovirus). Objectif : observer l’évolution de ces populations virales en fonction de l’évolution des autres êtres vivants en présence.
Halteria mange du chlorovirus
Résultat : une espèce de micro-organisme est sortie du lot, un protozoaire unicellulaire nommé Halteria. Cette espèce appartient aux ciliés, de petits êtres microscopiques reconnaissables par des sortes de cils qui les recouvrent.
Les auteurs dressent deux constats tout à fait intéressants :
- Les populations du virus Chlorella ont significativement baissé en présence de l’Halteria ;
- Les populations du microorganisme Halteria ont inversement… augmenté, en présence du Chlorella.
En plus d’autres preuves qui démontrent leur lien, le déclin du chlorovirus accompagne à la croissance des ciliés en des proportions qui correspondent à ce que l’on connaît dans la chaîne alimentaire du monde microscopique. Cela signifie que non seulement cet être vivant se nourrit de ce virus, mais qu’il s’en sert aussi de « carburant » pour vivre et se multiplier. Il semblerait même que tout leur régime alimentaire repose là-dessus. Infectieux pour certains organismes, ces virus sont nutritifs pour d’autres.
L’équipe de recherche estime qu’à l’échelle de l’étang étudié, les microorganismes ciliés consomment 10 milliers de milliards de virus… par jour.
Les virus peuvent être nutritifs… pour certains organismes
Mais, d’où vient le versant « nutrition » ? Que consomme exactement l’Halteria en se nourrissant de Chlorella ? En plus de carbone, les virus « sont constitués de très bonnes choses : des acides nucléiques, beaucoup d’azote et de phosphore », explique John DeLong, en commentant cette étude qu’il a pilotée. Beaucoup d’êtres vivants mangent ce qui leur passe sous le nez, ajoute-t-il. Ce faisant, il n’est pas étonnant qu’un organisme ait appris à se nourrir de ces matières premières. Et Halteria n’est pas seul au monde sur ce régime alimentaire. DeLong et son équipe ont identifié d’autres microorganismes, des ciliés également, qui se nourrissent de virus.
Ce n’est que le début. Les scientifiques à l’origine de cette étude vont maintenant chercher à comprendre quel est l’impact de ce réseau alimentaire sur les écosystèmes et sur le cycle du carbone ; et par ailleurs quelle est leur capacité de résilience (face aux extinctions). « Si ce phénomène se produit à l’échelle que nous pensons possible, cela pourrait changer complètement notre vision du cycle global du carbone », suggère DeLong.
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