Quand un enfant renverse le liquide de son jouet pour faire des bulles, on le remplace souvent par du liquide vaisselle et… cela fonctionne moins bien. Existe-t-il une meilleure recette pour faire des bulles de savon ? Des spécialistes de cette question sont les artistes qui manipulent les bulles dans leurs spectacles. L’un d’eux nous a donné une recette souvent utilisée pour que nous puissions mieux comprendre les mécanismes physiques qui se cachent derrière.
Il nous a fallu identifier quelle expérience bien contrôlée permet de tester les recettes. Cette expérience doit être reproductible, c’est-à-dire donner le même résultat si on la répète plusieurs fois de suite. Nous avons donc travaillé à une température et à une humidité d’air constantes. En effet, ces paramètres sont très importants, car ils modifient la vitesse d’évaporation du liquide. Or les bulles de savon sont formées d’un mince film de liquide qui encapsule de l’air. Si ce film devient trop mince, la bulle éclate plus facilement. Donc plus la vitesse d’évaporation est importante, plus le liquide s’évapore vite, plus le film s’amincit et plus la bulle éclate rapidement.
Quelle quantité de liquide vaisselle pour réussir ses bulles de savon ?
Nous avons identifié deux expériences différentes. Dans la première, nous déposons une bulle de savon sur une surface et nous mesurons son temps de vie. Cela permet de mesurer la stabilité de la bulle pour une recette donnée. Dans une deuxième expérience, nous trempons un anneau en plastique dans un liquide savonneux et nous soufflons dedans toujours avec la même vitesse grâce à un contrôleur de pression. Nous comptons le nombre de bulles ainsi créées.
Le résultat surprenant de notre étude est que les recettes qui donnent des bulles qui vivent longtemps ne sont pas forcément celles qui permettent de faire de nombreuses bulles. Les bonnes recettes sont le fruit d’un compromis. Ainsi, on sait qu’il faut mettre du liquide vaisselle pour faire des bulles de savon. C’est lui qui contient les molécules de savon. Si l’on en met peu, les bulles durent longtemps, mais elles sont difficiles à former. Si on en met trop, on peut fabriquer de nombreuses bulles qui éclatent très vite. C’est le compromis entre ces deux observations qui mènent à la quantité de liquide vaisselle utilisée par les artistes : 4 % en volume c’est-à-dire 40 mL de liquide vaisselle dans 960 mL d’eau pour le liquide vaisselle particulier que nous avons étudié.
On peut ensuite ajouter des ingrédients qui permettent d’améliorer soit la stabilité, soit la facilité de génération des bulles. Pour avoir des bulles plus stables, on peut ajouter 10 % de glycérol, c’est-à-dire 100 mL pour 900 mL de mélange liquide vaisselle/eau. C’est un liquide très utilisé en cosmétique car il préserve les produits du dessèchement en évitant l’évaporation de l’eau qu’ils contiennent. On en trouve en pharmacie. Or, comme expliqué plus haut, une manière de retarder l’éclatement de la bulle est justement de diminuer l’évaporation.
Pour que les bulles soient plus faciles à fabriquer, nous pouvons rajouter de longues molécules (appelées polymères) qui vont se comporter comme de longs fils à l’intérieur du film de savon. Avec de la gomme de guar, un additif alimentaire qui permet de gélifier les préparations, il faut en mettre juste un gramme. Lorsqu’on fabrique la bulle, le film qui est sur l’anneau en plastique doit se déformer pour devenir une bulle. Il devient alors très mince et les longs fils vont s’organiser parallèlement à la surface dans le film. Ils vont ainsi l’empêcher de rompre pendant sa fabrication.
La recette des bulles de savon, en bref
Diluer 1 gramme de gomme de Guar dans un peu de glycérine et ajouter 40 mL de liquide vaisselle (choisir un liquide vaisselle contenant 15-30 % de tensioactifs anioniques ou doubler la dose, vérifier sur l’étiquette du produit) et 100 mL de glycérine. Cette préparation peut se conserver quelques jours. Au dernier moment, ajouter 860 mL d’eau pour avoir 1L de solution.
Cet article est le fruit d’une collaboration avec l’artiste bulleur Pierre-Yves Fusier et Laura Wallon.
Emmanuelle Rio, Enseignante-chercheuse, Université Paris-Saclay; François Boulogne, Chercheur en matière molle, Centre national de la recherche scientifique (CNRS); Frédéric Restagno, Physique, Université Paris-Saclay et Marina Pasquet, Postdoctorante en physique, University of California, Berkeley
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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