Les gadgets électroniques sont-ils les auxiliaires médicaux de demain ? En tout cas, ils sont sans aucun doute porteurs d’une véritable révolution culturelle dans le domaine de la santé. Avec la multiplication des capteurs d’auto-diagnostic et de mesure biométrique, que ce soit dans les smartphones ou au sein des accessoires connectés, comme les montres, ils sont en effet en première ligne pour détecter précocement les premiers signes d’une maladie ou signaler l’existence d’un risque potentiel.
Dans ce domaine, plusieurs travaux existent déjà. Des chercheurs du célèbre MIT planchent sur la détection de la maladie de Parkinson en analysant la frappe au clavier. En Tunisie, une équipe de Samsung assistée par du personnel de santé a imaginé une application pour combattre les effets de la maladie d’Alzheimer en poussant le cerveau à exercer sa mémoire. Et l’on pourrait aussi citer l’application My Vision Track, qui propose de contrôler l’état de sa vue.
Ces applications ne visent pas à remplacer définitivement le médecin. Il s’agit plutôt de savoir quand y aller (par exemple, l’ophtalmologiste n’aurait pas besoin d’être contacté si My Vision Track détecte une variation particulière) ou s’il y a une raison valable d’y aller (par exemple, si les résultats d’auto-diagnostic révèlent un problème ou en tout cas font douter l’utilisateur). Et de toute façon, rien n’interdit, en plus de ces programmes, de maintenir une petite visite annuelle pour vérifier que tout est en ordre.
détecter lE TROUBLE BIPOLAIRE
C’est dans ce contexte que s’inscrivent les travaux menés par le docteur italien Venet Osmani. Dans une étude publiée début octobre sur le site de l’université de Cornell, et relayée par le journal du MIT, il explique avoir voulu savoir s’il était possible de détecter, avec les smartphones actuels, les trois grandes périodes d’humeur que traversent les personnes qui souffrent d’un trouble bipolaire (humeur ou irritabilité élevée, phase dépressive et période calme).
La réponse est oui, en tout cas pour l’échantillon qu’il a constitué. Pour son expérience, l’universitaire a confié pendant quatre mois un smartphone à chacun des 12 patients atteints de bipolarité. Ensuite, les patients étaient examinés toutes les trois semaines avec les méthodes conventionnelles pour détecter les signes de ce trouble mental. Ces vérifications de visu étaient nécessaires, afin de disposer d’une grille de lecture lorsqu’il a fallu analyser les données récoltées via le mobile.
Les résultats sont prometteurs. En ne prenant en compte que la géolocalisation et l’activité de l’usager, puis en croisant ces informations avec le comportement attendu d’un personne bipolaire (l’hyperactivité peut par exemple être décelée avec l’accéléromètre ou les déplacements excessifs), il a été possible de prédire avec exactitude le changement d’humeur dans 94 % des cas.
Et en incluant une analyse des coups de téléphone (nombre d’appels passés, débit oral, etc), il a même été possible de faire croître cette précision jusqu’à 97 %.
Une étude à PRÉCISER, un CADRE à Créer
Bien sûr, le travail effectué par Venet Osmani nécessitera d’en produire de nombreux autres afin d’avoir un recul suffisant sur la pertinence d’une telle recherche. Il faudra en particulier augmenter l’échantillon de patients, étendre la durée sur laquelle l’étude est effectuée et profiter aussi de l’amélioration des capteurs. Si ceux qui équipent les terminaux sont déjà très pertinents, il faudra qu’ils progressent eux aussi : car l’enjeu — la santé — est bien trop important pour laisser de la place à l’approximation.
Une recherche de cette nature, au regard des analyses très poussées qui sont faites, ne pourra pas non plus faire l’impasse sur les problématiques de confidentialité, de propriété des données collectées et de vie privée, si jamais elle arrive à un stade lui permettant d’atteindre le grand public. Ces sujets, on les retrouve en particulier avec la médecine personnalisée, un domaine qui attire de nombreux géants comme Google, Apple et IBM, et qui investissent beaucoup d’argent dans le Big Data médical.
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