Il existe, sur Terre, une « matière noire microbienne ». Cette expression désigne tout groupe génétique de microbes dont nous n’avions, à l’origine, absolument pas connaissance. On ne sait même pas, en leur présence, que l’on est face à des ingrédients organiques. C’est par du séquençage génétique précis de la matière prélevée dans son ensemble que l’on découvre l’existence de ces espèces. On peut notamment en trouver au fin fond des déserts arides (ou dans des tunnels de lave). Cela pose un intéressant préalable : pour détecter une forme de vie, encore faut-il pouvoir la chercher véritablement.
Ce constat s’applique à une quête située bien au-delà de notre planète : l’exobiologie, ou la recherche d’une forme de vie (microbienne) autre que terrestre dans l’Univers. Des scientifiques ont eu l’idée de confronter la séquence génétique d’une « matière noire génétique » découverte dans l’Atacama (le désert terrestre le plus vieux et le plus aride) avec les instruments des rovers d’exploration de Mars, tels que Curiosity ou Perseverance.
La comparaison est d’autant plus valide que cette matière noire génétique date d’un ancien lac, ayant existé il y a plus de 100 millions d’années, au plus profond d’une région chaude et sèche. Ces conditions seraient analogues à celle d’une vie martienne terrestre potentielle, actuelle ou passée.
« Il a été difficile de trouver des composés organiques dans ces échantillons »
Les résultats, publiés le 21 février 2023 dans Nature Communications, montrent combien le défi est grand. « Il a été difficile de trouver des composés organiques dans ces échantillons » pour les instruments simulant ceux à bord des rovers martiens. Cela signifie que les outils étaient à peine capables d’identifier l’existence d’une biosignature (un ou plusieurs éléments biologiques favorables à une forme de vie passée ou actuelle).
Les auteurs ont même poussé le bouchon un peu plus loin en mobilisant un instrument spéctrométrique comparable à SAM — celui qu’embarque Curiosity, mais dans une version dix fois plus sensible. Cet outil a « à peine pu détecter des composés organiques biogènes spécifiques à la limite de détection, ce qui suggère que SAM n’aurait pas pu les détecter », constatent les scientifiques.
Cette analyse « montre à quel point il est essentiel de tester les instruments conçus pour détecter la vie sur d’autres planètes en utilisant des échantillons d’analogues terrestres pertinents, avant de les sélectionner pour des missions (…) », estime l’équipe de recherche dans un commentaire de leur étude. « Si les biosignatures ne peuvent pas être détectées dans des échantillons terrestres, où la vie actuelle et ancienne est clairement documentée, nous ne devons pas nous attendre à ce que ces instruments soient capables de détecter des preuves de vie remontant au début de l’histoire de Mars. »
Les retours d’échantillons martiens sont la clé
Mais, ces travaux nouvellement publiés rappellent aussi l’importance des retours d’échantillon. Si les instruments des rovers ne peuvent pas en faire une analyse suffisamment fine in situ — sur place –, les laboratoires terrestres peuvent mobiliser davantage de ressources, plus longuement. Les chances d’y découvrir quelque chose qui n’est pas anticipé sont plus grandes. Cela tombe bien : c’est le grand projet à venir de l’exploration spatiale.
Le rover Perseverane échantillonne actuellement le sol martien dans des tubes. Ensuite, au début de la prochaine décennie, un atterrisseur sera envoyé sur Mars. Des hélicoptères viendront aider le rover à transférer ces tubes vers une navette de stockage, qui redécollera pour les ramener sur Terre. Le laboratoire qui réceptionnera et analysera ces précieux échantillons est déjà en cours d’installation à Houston, et nul doute que la question de la « matière noire microbienne » sera prise en compte dans les équipements de l’installation.
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