C’est un sujet qui préoccupe naturellement tous les parents. À l’heure où les écrans sont partout, y a-t-il un risque pour le développement de l’enfant ? En réalité, il est très difficile de répondre à cette question de manière définitive. Pour deux raisons : d’abord, parce que la science n’est pas une matière figée dans le temps : elle évolue au rythme des progrès de la recherche. Ensuite, parce que la réponse dépend de divers facteurs-clés (interactivité de l’écran, âge de l’enfant, temps passé devant l’écran, présence d’un adulte…).
Elle est bien simple : pas d’écran avant l’âge de 3 ans (ou le moins possible), pas de jeu vidéo avant 6 ans, pas d’Internet avant 9 ans (et jusqu’à l’entrée au collège), pas d’Internet seul avant 12 ans (partiellement et avec prudence).
C’était ce que pointait l’Académie des sciences dans un rapport (.pdf) remis en 2013. Dans celui-ci, l’organisme relevait par exemple que l’Académie américaine de pédiatrie multiplie depuis 1999 les mises en garde contre les dangers d’une exposition trop précoce ou trop intense aux écrans non interactifs (télévision et DVD). Étaient cités alors la prise de poids, la passivité, le retard de langage et le déficit de concentration et d’attention comme risques potentiels pour les jeunes enfants et les bébés en cas d’exposition excessive.
Pour cela, des règles doivent être posées. Le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron avance par exemple celle des 3-6-9-12 , qui vise à organiser la découverte des écrans. Pour sa part, le philosophe Bernard Stiegler, qui a d’ailleurs travaillé avec Serge Tisseron sur ce sujet, est lui aussi en faveur pour un cordon sanitaire séparant les enfants en bas âge des écrans. Mais bien entendu, ce sont des consignes d’ordre général : il revient ensuite aux parents de les affiner en fonction de leur progéniture.
ÉCRANS INTERACTIFS
Et pour les écrans interactifs, comme les smartphones et les tablettes ? Dans ce domaine, l’Académie des sciences se montre moins alarmiste. Elle note que le « problème principal est celui d’une éventuelle addiction ». Mais elle ajoute dans la foulée « qu’aucune étude ne permet pourtant à ce jour d’affirmer qu’elle existe, notamment pour ce qui concerne les adolescents ». Ces appareils peuvent même participer à leur éveil, « à condition d’établir un contrôle très rigoureux du temps d’usage » et de les accompagner.
« Les tablettes numériques – en complément des tables d’éveil multi-sensorielles classiques – peuvent donc être un objet d’exploration et d’apprentissage parmi les autres objets du monde réel », écrit l’Académie. « Les tablettes visuelles et tactiles suscitent le mieux,[…] l’éveil précoce des bébés (0-2 ans) au monde des écrans, car c’est le format le plus proche de leur intelligence ». Dit autrement, l’exposition passive aux écrans est « dangereuse et déconseillée », contrairement à l’exposition active, qui est préférable.
Cela étant, l’Académie des sciences ajoute que les écrans interactifs, malgré leurs atouts, ne doivent pas couper l’enfant d’autres activités. Ils ne « peuvent en aucun cas remplacer les jouets traditionnels comme les cubes en bois ou les poupées dans la chambre des enfants, pas plus qu’ils ne peuvent remplacer les interactions avec les adultes ». Aussi est-il recommandé de préserver la chambre de l’enfant en évitant d’introduire trop tôt un téléviseur, un ordinateur ou un quelconque terminal.
POSTURE PLUS PERMISSIVE
Cette analyse, l’Académie américaine de pédiatrie (AAP) est aussi en train de l’adopter. Comme le relève Mashable, l’organisme est en train d’actualiser son point de vue sur les écrans interactifs. Et ses conclusions sont similaires à celles de l’Académie des sciences. Les tablettes et les smartphones peuvent participer au développement de l’enfant, à condition de ne pas les utiliser comme substituts parentaux. Les parents demeurent indispensables, pour accompagner et encadrer cette exploration numérique.
« En se basant sur une recherche effectuée en mai lors d’une réunion d’éducateurs, de pédiatres, de neurologues, de spécialistes en médias et de chercheurs en sciences sociales, l’organisation adopte aujourd’hui une posture plus permissive sur la question de savoir s’il faut permettre aux enfants d’accéder aux ordinateurs [mais pas que, ndlr] à un jeune âge », écrivent nos confrères.
La position de l’AAP tranche avec celle qu’elle tenait il y a encore deux ans. Mashable note qu’un précédent document mettait en garde contre l’exposition des enfants aux écrans. Toutefois, celui-ci traitait de l’écran au sens large. Étaient donc abordés les dispositifs passifs (comme la télévision), actifs ainsi que qui projeté à travers ces appareils, avec une réflexion sur les messages et les images auxquels sont exposés les plus jeunes, qui sont susceptibles de voir leur sensibilité heurtée ou leur empathie émoussée.
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