Tôt ou tard, la Station spatiale internationale (ISS) devra être abandonnée. Ce jour n’est pas encore arrivé, mais la Nasa y pense. Après tout, la structure se fait vieille : initialement, la station devait servir pendant quinze ans, jusqu’en 2015 — c’est en 2000 que l’ISS, encore embryonnaire, a commencé à recevoir ses premiers visiteurs de longue durée.
Aujourd’hui, nous sommes en 2023 et l’ISS continue inlassablement d’orbiter autour de la Terre à près de 400 km d’altitude. Dans l’immédiat, il n’est aucunement question de se débarrasser de l’ISS. Les plans actuels des agences spatiales prévoient de s’en servir encore une petite dizaine d’années. Sauf coup de théâtre, la désorbitation surviendrait peu après 2030.
On sait déjà où devrait s’écraser la Station spatiale internationale : ce sera dans les parages du point Nemo, un endroit dans l’océan Pacifique qui est le plus éloigné de toutes les terres émergées et qui ne voit pas passer beaucoup de navires. Néanmoins, il y a la question de savoir comment désorbiter une installation aux dimensions étendues et dont la masse s’élève à 450 tonnes.
La Nasa a en tête un remorqueur spatial pour faire tomber l’ISS
À cette interrogation, la Nasa souhaite apporter sa propre réponse : construire son propre remorqueur spatial qui, le moment venu, sera envoyé dans l’espace et aura pour rôle de pousser l’ISS vers la Terre. La combinaison de la vitesse et de la densification de l’air permettra de brûler une partie de la station au moment de la rentrée atmosphérique.
Le site Space.com a rapporté les intentions de la Nasa, révélées à l’occasion d’une conférence de presse le 13 mars 2023. Les études de conception pour ce remorqueur spatial coûteraient 180 millions de dollars. Mais, il faudrait sans doute tabler sur une dépense globale d’un milliard pour absorber toutes les dépenses liées au projet, dont la construction et le déploiement dans l’espace.
Jusqu’à présent, la stratégie retenue était de miser sur la partie russe pour assurer la chute de l’ISS. Les vaisseaux Progress servent déjà ponctuellement pour rehausser l’orbite de la station. En outre, un véhicule de ce type avait déjà servi à précipiter la station Mir dans l’océan Pacifique. Là encore, le point Nemo avait été la cible pour limiter les risques.
Cependant, les États-Unis semblent aujourd’hui se faire à l’idée que la partie russe pourrait faillir le jour J. La dégradation de la situation géopolitique, causée par la guerre en Ukraine déclenchée par Moscou, a fragilisé les relations entre les deux puissances. Pour ne rien arranger, Dmitri Rogozine, l’ancien directeur de l’agence spatiale russe, Roscosmos, a tenu des propos douteux à l’égard de l’ISS, évoquant un abandon de la station par les Russes.
Au-delà de la crise internationale qui nuit à l’ISS, il y a aussi des interrogations sur la fiabilité et la qualité du matériel russe. Deux véhicules différents amarrés à l’ISS et fournis par Moscou (un vaisseau Soyouz et un vaisseau Progress) ont connu des fuites de liquide de refroidissement, en décembre pour le premier et en février pour le second.
Bien sûr, les cadres de la Nasa font preuve de diplomatie : « Nous continuons à travailler avec nos homologues russes sur la manière de désorbiter en toute sécurité les véhicules Progress », a déclaré Kathy Lueders, la patronne des vols habités. Et, bien entendu, le plan de se servir du Progress est toujours maintenu. Mais, pour la Nasa, avoir de la redondance est jugé préférable.
« Nous développons également cette capacité américaine afin de disposer d’une redondance et de pouvoir mieux aider au ciblage du véhicule et à son retour en toute sécurité », a-t-elle ajouté. Elle a également pris des exemples récents dans l’histoire spatiale pour souligner à quel point avoir des solutions de repli est crucial pour faire face à des imprévus.
« Ces redondances ont été très, très importantes pour nous et pour nos partenaires. Le fait de disposer d’un véhicule de désorbitation américain est un autre élément clé de notre stratégie d’exploitation spatiale et de désorbitation de l’ISS », a-t-elle ajouté. L‘échec de MS-10 a montré le caractère crucial des vols habités de SpaceX et Boeing pour envoyer des astronautes dans l’ISS.
Rien ne dit que la Russie quittera effectivement plus tôt l’ISS, dès 2024, même si les signaux envoyés ont été parfois contradictoires. Rien ne dit non plus que les rapports entre Washington et Moscou resteront à un tel point bas dans dix ans (la coopération dans l’ISS reste l’un des derniers liens entre les deux nations). Mais, en la matière, il vaut mieux prévenir que guérir.
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