On ne sait pas encore avec quoi la mission ExoMars partira vers la planète rouge, mais on sait maintenant quand. Au détour d’un point d’étape partagé à la mi-mars, l’Agence spatiale européenne (ESA) a livré un calendrier estimatif pour le départ de son rover : octobre 2028. C’est, d’une certaine façon, la « renaissance » de la mission, après une année d’incertitude.
Le rover ExoMars va s’amputer de deux instruments
Une renaissance, ainsi qu’une transformation. L’ESA a livré quelques précisions concernant l’astromobile Rosalind Franklin, baptisée ainsi en l’honneur d’une scientifique qui a décelé en premier la structure en hélice de l’ADN. Ainsi, tous les composants russes vont être démontés de l’engin et restitués aux instituts les ayant conçus. Deux instruments russes sont visés.
Ce retrait de matériel est la conséquence directe de la guerre en Ukraine lancée par la Russie — Moscou était un partenaire-clé de la mission ExoMars 2022. Mais tout a été jeté aux orties le 24 février avec l’invasion. Au passage, cela a privé l’Europe des capacités de lancement de la Russie. Aujourd’hui, il est impossible de coopérer avec Roscosmos, l’homologue de l’ESA.
Le renvoi des deux composants russes à leurs propriétaires (le détecteur de neutrons Adron et le spectromètre infrarouge ISEM) sera partiellement comblé — si le spectromètre à neutrons ne sera pas remplacé, le spectromètre infrarouge a une chance de l’être. L’Agence spatiale européenne y travaille, avec une solution venant de ses États membres.
En partant en 2028 pour une arrivée sur Mars en 2030, ExoMars aura alors dix ans de retard — initialement, elle devait partir en 2018 pour arriver en 2020, d’où son surnom d’ExoMars 2020. Le matériel envoyé sur place ne risque-t-il pas d’être frappé d’obsolescence, dans sept ans ? Autrement dit, faudra-t-il modifier le rover au-delà du remplacement des deux instruments russes ?
L’Esa ne se montre pas inquiète : « les technologies[…] resteront pertinentes par rapport à la ‘concurrence’ existante et prévue sur Mars ». D’ailleurs, l’Esa affirme être la seule à ce jour à relever le défi de creuser à deux mètres de profondeur. Cela dit, l’Esa traitera les obsolescences de pièces d’ici au renvoi de la mission sur son pas de tir, dans cinq ans.
Une fenêtre de tir tous les deux ans pour Mars
Reste une interrogation : pourquoi si tard ? Il y a d’abord un souci de mécanique céleste : « Les meilleures opportunités de lancement vers Mars se présentent tous les deux ans, lorsque la Terre et Mars sont alignées de manière optimale », pointe l’Esa. On ne part pas n’importe quand vers cette planète voisine de la Terre, si l’on veut optimiser le vol et le carburant.
C’est pour cela que, lors du premier report de la mission ExoMars, le calendrier a glissé immédiatement de 2020 à 2022. Le vol devait justement être l’un des grands moments de la conquête spatiale l’année passée.
Cela amène au deuxième problème : l’Europe n’a pas d’option de rechange dans l’immédiat pour pallier l’absence de la fusée russe (Proton) ni le véhicule de rentrée atmosphérique et de descente, également fourni par l’ex-partenaire. Impossible de se retourner rapidement vers l’année 2024, qui était le créneau suivant. C’est bien trop tôt.
Restaient alors 2026 ou 2028. La première échéance a été d’emblée qualifiée de « très difficile » par Josef Aschbacher, le patron de l’Agence spatiale européenne. La seconde a donc été privilégiée. C’est l’opportunité de lancement « la plus précoce ». « Cela permet d’équilibrer le temps nécessaire à la mise en place des éléments de la mission avec un bon scénario d’atterrissage en 2030 », juge l’ESA.
Dernière question sans réponse : quel lanceur se chargera de propulser le tout vers Mars ?
Un appui des États-Unis est envisagé, pour compenser le départ de Russes, via l’agence spatiale américaine (Nasa) et de prestataires privés — SpaceX ou l’United Launch Alliance (ULA). Cependant, la présence de composants américains sensibles et interdits au transfert — des éléments chauffants à radioisotope — empêcherait à première vue de compter sur Ariane 6.
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