Au début du mois de mars, l’équipage de la Station spatiale internationale (ISS) a été renouvelé, avec l’arrivée de l’équipage SpaceX Crew-6. Deux Américains (Stephen Gerard Bowen et Warren Hoburg) sont arrivés pour un séjour de six mois dans l’espace, tout comme un Russe (Andreï Fediaïev) ainsi qu’un Émirati (Sultan Al Neyadi).
Or, Sultan Al Neyadi est musulman et il s’avère que son tout premier séjour se déroule justement en plein ramadan, qui s’étale du 22 mars jusqu’au 21 avril. De ce constat découle une question évidente : comme cet astronaute, qui est le deuxième Émirati à aller au-delà de l’atmosphère, peut-il concilier ses impératifs professionnels et ses traditions religieuses ?
Un jeûne qui peut être rompu
La question est d’autant plus captivante dans la mesure où le ramadan est un mois de jeûne lorsque l’on est pratiquant. Durant cette période, les croyants et les croyantes s’abstiennent de s’alimenter et de s’abreuver durant la journée, en se fondant sur les levers et les couchers du Soleil. Le souci, c’est qu’il y a chaque jour seize levers et couchers de soleil à bord de l’ISS.
De prime abord, cela rend l’observation d’une telle abstinence impossible — même si, dans les faits, l’ISS suit un fuseau horaire spécifique.
Autre difficulté : un séjour spatial est éprouvant pour l’organisme humain, qui a besoin d’avoir des forces pour que l’astronaute assume toutes ses missions (dont les sorties extravéhiculaires, très exigeantes). Sans compter tout le sport à faire chaque jour, pendant au moins deux heures, pour compenser les effets de l’impesanteur sur les muscles, les os, le système vasculaire et le moral.
Dans ces conditions, Sultan Al Neyadi peut-il y parvenir ? L’astronaute émirati ne sera pas amené à répondre directement à cette question puisque, dès janvier 2023, l’intéressé rappelait, lors d’une conférence de presse avec les autres astronautes, que le jeûne peut justement être rompu dans certains cas de figure. Une interruption rappelée également par CNN, le 22 mars.
Les exemptions sont variées : une femme enceinte ou qui allaite, une personne âgée ou malade. Des dérogations peuvent aussi être admises pour faire face à des circonstances exceptionnelles. Il est possible d’ajuster le jeûne en cas de période caniculaire, par exemple. La mission dans laquelle se trouve Sultan Al Neyadi relève aussi du caractère exceptionnel.
« Le jeûne n’est pas obligatoire si vous ne vous sentez pas bien. À cet égard, tout ce qui peut compromettre la mission ou mettre en danger un membre de l’équipage est autorisé à manger suffisamment pour éviter que le manque de nourriture, de nutrition ou d’hydratation ne s’aggrave », a ainsi souligné l’astronaute, qui rentrera sur Terre en septembre.
Sultan Al Neyadi n’est pas le tout premier musulman à rejoindre l’espace durant une période de ramadan. Sheikh Muszaphar Shukor, un astronaute malaisien, a lui aussi fait face à ce conflit de calendrier, en 2007. À l’époque, les autorités religieuses de son pays ont tenu compte de sa situation et l’ont autorisé à reporter son jeûne ou de se baser sur le fuseau horaire de son lieu de décollage.
Il lui a aussi été permis, via un avis juridique rendu par une autorité musulmane, de ne pas chercher à s’agenouiller en impesanteur pour la prière, rappelle CNN, ni de chercher à se tourner systématiquement vers La Mecque — l’orientation était laissée à sa libre appréciation. Une latitude compréhensible et bienvenue quand on sait que l’ISS file à près de 28 000 km/h au-dessus de la Terre, à près de 400 km d’altitude.
(mise à jour pour préciser les circonstances juridiques permettant ces exemptions)
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