Le weekend dernier signait le passage à l’heure d’été. Un processus habituel (bien que de plus en plus débattu), mais qui s’est soldé par une situation improbable au Liban : le pays est dorénavant divisé en deux horaires différents.
Dans le pays, le changement d’heure devait avoir lieu le samedi 25 mars 2023 ; mais le gouvernement a pris la décision de le décaler au 21 avril 2023. Si les institutions publiques doivent suivre cette décision ; plusieurs sociétés privées s’y sont opposées, telles que des stations de télévision (LBCI, MTV), des établissements scolaires, des entreprises, passées quant à elles à l’heure d’été.
Le problème est également technique. La plupart des entreprises et des institutions ont leur électronique reliée à l’IANA — Internet Assigned Numbers Authority. Bien qu’elle soit peu connue du grand public, une grande partie du numérique dépend bien de cette autorité, comme elle l’explique sur son site : « Nous sommes chargés de coordonner certains des éléments clés qui assurent le bon fonctionnement du web. Bien qu’Internet soit réputé pour être un réseau mondial libre de toute coordination centrale, il est techniquement nécessaire que certaines parties essentielles soient coordonnées au niveau mondial, et c’est à nous qu’incombe ce rôle de coordination. »
Le fuseau horaire fait partie de cette base de données centralisée. Et celle-ci est mise à jour automatiquement, en temps réel. Tous les appareils qui y sont reliés d’une façon ou d’une autre adoptent les changements tout aussi automatiquement. De fait, le samedi 25 mars 2023, il en fut ainsi au Liban. Malgré la décision du gouvernement libanais, de nombreux secteurs — comme les transports — n’ont pas pu faire autrement que de passer à l’heure d’été. De même, tous les smartphones, dans la population, sont passés à l’heure d’été.
Middle East Airlines, la compagnie aérienne du pays, a abouti à un compromis en re-changeant ses horloges pour qu’elles conservent l’heure d’hiver, mais en perpétuant le passage à l’heure d’été pour ses vols afin d’éviter une incohérence avec les autres compagnies à l’international.
Une décision politique
L’Église maronite (chrétienne) a, elle aussi, refusé d’appliquer la décision du gouvernement libanais. Ce n’est pas anodin. La situation est grandement à l’image des divisions politiques et religieuses qui touchent le pays depuis plusieurs années. La raison exacte de la décision n’a pas été directement évoquée par le Premier ministre libanais, Najib Mikati, mais la nouvelle date colle avec celle de la fin du Ramadan (21 avril également). Les observateurs semblent donc s’accorder sur l’idée que la décision y est liée. Et, de fait, conserver l’heure d’hiver pendant cette tradition permet de rompre le jeûne plus tôt, à 18h, au lieu de 19h.
Comme le relève la journaliste Kim Ghattas, spécialiste de la région pour The Atlantic, le problème est surtout qu’il s’agit là d’une décision de dernière minute (par anticipation, les opérateurs téléphoniques auraient pu intégrer le délai, et la population, les institutions, s’organiser). Il semblerait que la décision du gouvernement soit essentiellement un geste politique — visant à accroître sa popularité auprès d’une partie de la population. Mais le résultat n’a fait qu’ajouter de la confusion, à un moment où le Liban connaît pourtant une crise économique majeure.
Un témoignage relaté par The Guardian rend compte de la cacophonie créée par cette décision de dernière minute : « J’avais un rendez-vous à 8 heures et un cours à 9 heures, qui auront désormais lieu en même temps », explique cette personne. Son RDV de 8h a lieu avec une agence gouvernementale qui s’adosse à l’heure nationale (heure d’hiver) tandis que son cours a lieu avec un institut qui s’adosse à l’heure internationale (heure d’été).
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