Une étude menée par plusieurs scientifiques démontre qu’à l’instar des humains, les poissons sont capables d’être influés émotionnellement par l’état de leurs congénères. Une similarité qui trouve ses sources au temps où les humains étaient encore des poissons.

Pendant longtemps, la croyance voulait que les êtres humains soient les seules créatures aptes à ressentir des émotions. Une idée reçue mise à mal par plusieurs études, qui ont déjà démontré que d’autres espèces, comme le poulpe, peuvent ressentir des émotions liées à la douleur.

C’est aussi le cas des poissons, qui ont justement fait l’objet d’une nouvelle étude sur le sujet et publiée le 23 mars dans la revue américaine Science. Et celle-ci nous apprend que les poissons, ou au moins les poissons zèbres, sont aussi capables d’éprouver une forme d’empathie, qui leur est propre malgré quelques similarités avec les humains.

Comme ces derniers, qui peuvent voir leur état émotionnel impacté par celui d’un autre, le poisson-zèbres semble détecter le sentiment de peur chez ses pairs. Les points communs vont même plus loin, puisque le poisson y répond en prenant aussi peur, comme le démontrent plusieurs expériences réalisées dans le cadre de l’étude.

Des ressemblances frappantes

Dans l’une d’entre elles, les scientifiques ont placé un poisson-zèbre seul dans un aquarium. Dans un second aquarium, positionné juste à côté du premier, plusieurs de ses congénères ont reçu une substance capable de créer un sentiment de peur chez eux. Logiquement, ces poissons-zèbres ont réagi en se figeant ou en nageant de manière erratique, actions qu’ils effectuent lorsqu’ils se sentent en danger. Mais c’est le comportement du poisson-zèbre isolé qui intéresse.

Même s’il était seul dans son aquarium et qu’il n’a pas reçu la substance, ça ne l’a pas empêché de réagir à la vue de ses pairs dans l’autre aquarium. L’expérience, répétée plusieurs fois, a permis de constater que dans la plupart des cas, les poissons-zèbres seuls se figent aussi, comme s’ils étaient aussi effrayés en voyant ce qui se passe dans l’autre aquarium.

Des poissons-zèbres, souvent utilisés pour des recherches // Source : Flickr
Des poissons-zèbres, souvent utilisés pour des recherches // Source : Flickr

Cette réaction, similaire à celle d’un humain qui pourrait être terrifié en voyant un autre humain s’affoler, s’explique par la présence de l’ocytocine chez le poisson-zèbre. Cette hormone, qui agit comme un neuropeptide, peut être impliquée dans la détection de la peur. C’est aussi une hormone capable d’avoir un effet sur des émotions comme la réactivité au stress et l’empathie chez les humains.

Les scientifiques s’y sont donc intéressés de près, en réitérant l’expérience avec un poisson-zèbre génétiquement modifié et rendu incapable de détecter ou de produire de l’ocytocine.

Un changement important, puisque le pourcentage de poissons-zèbres isolés qui se figent a été divisé par deux. Il aura fallu que les scientifiques administrent à ces poissons génétiquement modifiés de l’ocytocine pour qu’ils réagissent, ce qui prouve l’importance de cette hormone dans les réactions émotionnelle des poissons.

Pour approfondir leurs observations, les scientifiques ont réalisé une seconde expérience, réalisée en deux phases :

  • Durant la première, des poissons-zèbres sauvages et d’autres modifiés ont été placés simultanément devant deux vidéos montrant deux de leurs congénères dans un état différent. L’un est figé, dans un état de peur. L’autre est plus neutre, plus apaisé. Et visiblement, c’est vers le poisson-zèbre apeuré que l’attention des poissons sauvages s’est dirigée, mais aussi des poissons mutants.
  • Pendant la seconde phase, les scientifiques ont remplacé ces vidéos par d’autres images où le même poisson apparait serein. Suite à ce changement, le poisson sauvage s’est dirigé vers la zone où était précédemment diffusée la vidéo du poisson effrayé, malgré le fait qu’il ait été remplacé par un poisson calme. À l’inverse, le poisson-zèbre modifié n’a pas montré d’intérêt particulier pour ce nouveau poisson, et a vite oublié le poisson apeuré de la première phase.

Pour les auteurs de l’étude, cela veut dire que les poissons-zèbres se sont associés émotionnellement au poisson qui s’affichait en train d’avoir peur. L’étude estime même que les poissons-zèbres ont probablement tenté de conforter leur congénère.

L’empathie, un sentiment qui provient du même ancêtre

Les chercheurs se sont aussi intéressés au cerveau du poisson-zèbre. La dissection de cet organe, après les expériences précédentes, leur a permis de localiser les principales zones d’activité qui différaient chez les poissons sauvages et les poissons modifiés.

Dans les deux cas, les zones qui semblaient les plus impliquées dans la peur et la contagion émotionnelle des poissons étaient similaires sur le plan du développement et de la fonctionnalité à des endroits du cerveau prétendument impliqué dans l’expression émotionnelle et l’empathie chez les mammifères, dont l’homme.

Une proximité qui, selon les propos de Rui Oliveira chez Gizmodo, s’explique par le fait que « le processus de reconnaissance émotionnelle des animaux vertébrés a été conservé à travers l’évolution ».

Cerveau de poisson-zèbre adulte // Source : Flickr
Cerveau de poisson-zèbre adulte // Source : Flickr

Il n’est donc pas impossible de supposer que ce sentiment d’empathie, que l’on retrouve chez le poisson comme chez l’humain, est au moins aussi ancien que la séparation génétique entre les poissons et les mammifères, qui a commencé lorsque les premiers poissons ont comment se déplacer sur la terre ferme, il y a 350 à 400 millions d’années. L’ancêtre commun à ces deux espèces pourrait de ce fait être le premier à avoir développé un sentiment d’empathie.

Un constat partagé dans l’étude, qui pense que « de telles similarités dans les mécanismes de réponse émotionnelle chez les poissons et les mammifères suggèrent que la forme la plus basique d’empathie pourrait avoir évolué il y a plusieurs millions d’années ».

Cependant, Rui Oliveira nuance : « Nous pouvons dire que les poissons sont capables de reconnaitre l’état de peur des autres et d’y réagir… mais on ne peut pas dire qu’ils ressentent un sentiment de peur en observant les autres ». Il insiste d’ailleurs sur le fait que l’étude ne confirme pas « que les poissons ont de l’empathie et des sentiments exactement comme les humains ».

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