Des milliers de manifestants ont fait face à des milliers de policiers à Sainte Soline, fin mars 2023, autour d’un sujet de tension contre lequel les militants écologistes protestent : les méga-bassines. Les affrontements pour le moins violents ont fait de nombreux blessés graves — mettant à nouveau en avant le sujet des violences policières. Sur le plan écologique, qu’est-ce qu’une mégabassine et pourquoi ce projet rencontre-t-il une opposition ? Synthèse.
C’est quoi, une méga-bassine ?
Une méga-bassine est un grand réservoir retenant l’eau. Elle est construite en creusant dans un champ. C’est donc un cratère entouré d’une butte, un peu comme une piscine. Son sol est recouvert de bâches afin de retenir l’eau — à l’air libre. Elle est gérée par les agriculteurs (qui la financent en partie, l’autre partie venant de fonds publics) et leur sert à l’irrigation. Elle est remplie graduellement durant l’hiver — par pompage, afin que cette eau soit disponible en été en cas de sécheresse extrême.
Or, les sécheresses sont effectivement amenées à être plus fréquentes, plus amples, en raison du changement climatique.
Pourquoi on appelle ça « méga-bassine » ?
Les termes peuvent varier : bassine, retenue de substitution, réserve de substitution. Certains projets, en raison de leur grande taille, prennent l’appellation de « méga-bassine ». Celle de Sainte-Soline en fait partie. Elle s’étend sur environ :
- 10 hectares
- 700 000 mètres cubes d’eau
Le projet global dans les Deux-Sèvres prévoit d’en construire 16, soit 6 millions de mètres cubes au total, équivalent à plus de 1 500 piscines olympiques.
D’où vient l’eau des méga-bassines ?
L’eau est puisée directement dans les nappes phréatiques, par un système de pompage. Et ce, en hiver, car c’est en cette période de l’année que les nappes se remplissent des eaux de pluie qui s’y écoulent. La source principale n’est donc pas directement l’eau de pluie, mais bien les nappes.
Les arguments en faveur du projet
Les partisans du projet en parlent comme d’une solution à la survie des agriculteurs pour irriguer les cultures qui en ont besoin. Ils affirment que l’on puise l’eau des nappes en surface, et seulement les excédents, non pas les nappes profondes. Ils expliquent également que cette réserve au long terme permet de réduire les prélèvements en eau durant l’été. Ce qui, habituellement, accroit en effet l’assèchement, puisque les nappes sont vidées de ce qu’il leur reste, à un moment où chaque parcelle d’eau compte.
Que disent les critiques contre les méga-bassines ?
Les critiques contre le projet de Sainte-Soline sont à la fois politiques et écologiques — les deux faisceaux de critique se rejoignant toutefois.
Politiques, car il est question du modèle sociétal choisi à travers cette solution, qui ferait partie du problème d’ensemble. Ils dénoncent :
- Le risque d’un accaparement de la ressource de l’eau au profit de l’agriculture intensive ;
- La nécessité que l’eau reste un bien commun, d’autant plus car la ressource devient de plus en plus précieuse, face au réchauffement — l’été dernier, en 2022, cela a déjà causé des restrictions d’accès à l’eau dans certaines localités ;
- Les bassines viennent favoriser des types de cultures gourmandes en eau, quand il serait possible et préférable de changer tout bonnement les modes de production. De fait, cela revient à poser un pansement très fragile, quand, face à l’urgence climatique, le système d’ensemble nécessite une évolution ample et rapide.
Écologiques, car :
- Ces bassines artificielles viennent puiser dans les nappes phréatiques, ce qui les expose plus qu’autre chose, alors qu’elles sont déjà fragilisées. C’est un risque possible pour la stabilité de tout l’écosystème (fragiliser un élément d’un écosystème expose tout l’écosystème).
- Deux types de pertes sont possibles. D’abord quantitatives : faire remonter l’eau causerait une perte quantitative à cause de l’évaporation — puisque l’eau est à l’air libre. Le pourcentage, en la matière, n’est pas fixé. Ensuite, qualitatives : l’eau à l’air libre, sortie des nappes, stagnante, favorise le développement de cyanobactéries potentiellement toxiques.
Une tribune du collectif Scientifiques en rébellion, publiée le 26 mars 2023 dans Le Monde, présente ainsi les mégabassines comme une « mal adaptation » aux sécheresses. Ils s’appuient sur les deux faisceaux de critique : pour eux, ces bassines sont à la fois une menace pour la préservation de la ressource qu’est l’eau, et un frein à la transformation du modèle socio-économique, dont font partie les choix de production en agriculture.
Que dit le GIEC sur les méga-bassines ?
Le 6e rapport du GIEC fait la synthèse du changement climatique : ses origines, son fonctionnement physique. Il y a également un certain nombre de solutions, mais, là encore, l’objectif est synthétique : le GIEC en souligne les possibilités comme les limites. Un peu à l’image de la géo-ingénierie, évoquée par le GIEC, mais également avec les risques — nous n’en connaissons pas les effets réels, les dangers diplomatiques fort probables, etc.
De fait, les méga-bassines sont citées dans le rapport du GIEC. Mais ce dernier n’étant pas prescripteur, elles n’y sont pas recommandées et le groupe en souligne aussi les limites. C’est d’ailleurs ce que rappelle le climatologue et coauteur français du rapport Christophe Cassou, sur Twitter.
Le GIEC indique effectivement les risques que des systèmes tels que les méga-bassines soient en réalité une mal-adaptation. Parmi les risques :
- L’épuisement des eaux souterraines ;
- La modification des climats locaux et régionaux ;
- L’augmentation de la salinité des sols ;
- L’aggravation des inégalités ;
- La perte des moyens de subsistance des petits exploitants ruraux.
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