Dans l’histoire du vol spatial, le chapitre des fusées réutilisables est en train de s’écrire sous l’impulsion de quelques sociétés privées. On connaît par exemple les efforts très importants déployés par SpaceX, la société fondée par l’entrepreneur américain Elon Musk, pour mettre au point un lanceur — le Falcon 9 — capable de décoller et de revenir sur sa base de lancement après avoir placé sa charge en orbite.
Malheureusement pour SpaceX, le premier test VTOL (vertical take-off and landing aircraft, pour aéronef à décollage et atterrissage verticaux) complètement réussi par une fusée a été accompli par Blue Origin, une entreprise mise sur pied en 2000 par Jeff Bezos, qui est surtout connu pour avoir donné naissance à Amazon. En effet, son lanceur, baptisé New Shepard, est parvenu à revenir sur la terre ferme sans encombre.
Pour Blue Origin, c’est une prouesse technique de tout premier plan. Preuve de la difficulté de la manœuvre, SpaceX a déjà tenté à deux reprises (le 10 janvier et le 14 avril) de faire poser le premier étage de la fusée Falcon 9 sur une barge océanique mais à chaque fois un souci a perturbé la phase finale d’atterrissage (un mauvais angle d’approche et un trop fort vent latéral), faisant chuter le lanceur.
Cela n’avait évidemment pas empêché SpaceX de présenter ça comme un semi-succès, en applaudissant le « touché » sur la barge (l’explosion consécutive n’est opportunément pas montrée sur l’extrait ci-dessous, mais elle peut être vue sur de nombreuses vidéos).
Sur le plan technique, Blue Origin a donné quelques caractéristiques sur le vol.
New Shepard a développé une poussée d’environ 45 tonnes et s’est déplacé à une vitesse maximale de mach 3,72 (environ 4 593 km/h) pour atteindre une altitude de 100,5 km. À titre de comparaison, si tant est qu’elle est du sens vu que les deux engins n’évoluent pas dans la même catégorie, Ariane 5 développe une poussée supérieure à 103 tonnes et peut atteindre une vitesse supérieure à 8 000 km/h.
[floating-quote float= »right »]SpaceX conserve une avance sur Blue Origin. [/quote]
Si Blue Origin a rattrapé SpaceX dans la course aux lanceurs réutilisables qui parviennent à se poser sans encombre, la firme d’Elon Musk conserve toutefois une avance dans un autre domaine : sa capacité à ravitailler la station spatiale internationale. En effet, elle est parvenue à rejoindre l’ISS à six reprises sans difficulté, ce que ne fait pas (encore ?) Blue Origin. La septième mission s’est hélas soldée par un échec, avec l’explosion du 2e étage du lanceur après 2 min de vol. En outre, SpaceX a conclu, tout comme Boeing, un partenariat avec la Nasa pour organiser à partir de la fin 2017 des missions de transport d’astronautes vers la station spatiale internationale. On le voit, SpaceX n’a peut-être pas réussi à faire atterrir correctement son lanceur, mais l’entreprise avance par ailleurs sur d’autres sujets cruciaux.
Cela étant, l’exploit accompli par Blue Origin a été salué par Elon Musk sur Twitter, même si l’opération conduite par la firme de Jeff Bezos consistait essentiellement à faire un saut dans l’espace puis à revenir sur la terre ferme, alors que celles menées par SpaceX incluent un réapprovisionnement de l’ISS dans l’espace, ce qui complexifie significativement les procédures de retour au sol.
Mais dans cette course, il n’y a pas que des sociétés américaines.
En Europe, Airbus, qui conçoit les lanceurs d’Arianespace, travaille aussi sur le concept d’une fusée Ariane qui peut être réutilisée. Mais l’approche suivie par l’avionneur européen est radicalement différente de celle de SpaceX et Blue Origin. Le projet «Adeline » (pour ADvanced Expendable Launcher with INnovative engine Economy) vise ainsi à récupérer certains pans du lanceur, mais pas les parties inutiles, comme les réservoirs.
« Adeline permettra aux moteurs principaux et à l’avionique du lanceur d’être récupérés et remis à neuf. Cela représente entre 70 et 80 % de la valeur totale du véhicule de lancement », explique Airbus. Et Marc Valès, directeur des programmes du futur d’Airbus Safran Launchers, d’ajouter, cité cet été par Usine Nouvelle, que « les moteurs d’une fusée sont faits pour la propulser vers l’espace pas pour la faire atterrir ».
Cette position se défend. L’intérêt de ramener des réservoirs vides est très limitée, alors que leur fabrication est vraiment moins onéreuse que d’autres composants, en plus d’être assez simple. Or, ramener ces réservoirs, qui pèsent un certain poids, nécessite de fait du carburant supplémentaire pour prévoir leur retour à bon port… et donc du carburant en plus pour prendre en compte le carburant supplémentaire.
Les moteurs d’une fusée sont faits pour la propulser vers l’espace pas pour la faire atterrir.
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