Apprendre est une caractéristique primordiale de la vie. De l’humain au ver le plus minuscule, la majorité des êtres vivants disposent de cette capacité, à divers degrés. S’il suffit à certains des organismes les plus basiques d’être exposé au même stimulus pour apprendre de manière non associative (qui se manifeste soit par l’atténuation, soit par l’augmentation d’une réponse comportementale suite à la répétition d’un stimulus), d’autres apprennent de manière plus sophistiquée.
Par exemple, chez des animaux dotés d’une grande puissance cérébrale, comme les humains, il est plus facile de lier un stimulus et la réponse qu’il faut y donner. Cette même réponse est d’ailleurs modifiée en fonction de l’expérience du cerveau, de ce qu’il a appris et mémorisé au fil du temps. La douleur que ressent un enfant après avoir touché une casserole chaude peut par exemple être enregistrée par le cerveau, qui modifie en conséquence le comportement de cet enfant afin qu’à l’avenir, il ne reproduise pas ce geste.
Un exemple qui démontre l’importance du cerveau, véritable chef d’orchestre de tout animal. Pourtant, selon une étude partagée dans la revue scientifique PNAS, fin mars 2023, certains animaux n’ont pas besoin d’un cerveau pour apprendre.
Chez les anémones, le cerveau est en option
C’est le cas des cnidaires, un groupe d’animaux aquatiques dans lequel on peut retrouver les méduses, les anémones et les coraux. Pendant longtemps, nous avons été convaincus qu’en raison de leur système nerveux très limité, les cnidaires sont, au maximum, capables d’avoir des réflexes. Mais, selon cette étude réalisée par le professeur Simon Sprecher, cette supposition est fausse.
Au contraire, en étudiant particulièrement le cas des anémones étoilées, les chercheurs ont pu constater que cette espèce marine est dotée d’une mémoire grâce à laquelle elle est capable d’apprendre par association.
Pour arriver à cette conclusion, le groupe de recherche mené par Simon Sprecher a soumis les animaux à des stimulus lumineux et électriques, soit simultanément pour créer une association, soit avec un intervalle entre les deux pour que les animaux ne fassent pas de lien entre les deux stimulus. Le test, répété plusieurs fois, a fait réagir les anémones.
Au fil de l’expérience, celles qui avaient reçu les deux stimulus en simultané rétractaient leur corps dès l’émission de l’impulsion lumineuse. Une réaction qui montre qu’elles ont emmagasiné dans leur mémoire le fait qu’un flash lumineux pouvait être accompagné d’un choc électrique et qu’elles sont capables d’adapter leur comportement en conséquence.
Selon le Dr Sprecher, « c’est exactement ce que l’on appelle l’apprentissage associatif, preuve que même les animaux dépourvus de cerveau sont capables d’adopter un comportement complexe grâce à leur système nerveux ». Une découverte qui ouvre la porte à d’autres questions, notamment sur ce processus qui leur permet de réagir même sans cerveau : « Nous savons très peu de choses sur le fonctionnement du processus d’apprentissage chez les animaux dotés d’un système nerveux moins développé. Notre hypothèse est que certaines synapses sont renforcées chez eux aussi. »
La capacité d’apprendre, un don plus ancestral qu’on ne le pense ?
Dans le même temps, les résultats de cette étude soulèvent d’autres questions, particulièrement sur l’émergence de la capacité d’apprendre chez certains êtres vivants. Selon le Dr Sprecher, l’ancêtre commun à tous les animaux qui possèdent un cerveau a vécu il y a 560 millions d’années. On va donc encore plus loin que le plus ancien cerveau découvert, vieux de 525 millions d’années.
Mais les premiers animaux dotés d’un système nerveux sont arrivés avant même cet ancêtre, « 100 à 150 millions d’années » plus tôt. Autrement dit, il y a encore beaucoup à apprendre sur l’origine de notre habileté à apprendre, aussi bien chez nous que chez d’autres animaux.
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