La fusée Starship a explosé en plein vol, lors de son premier lancement expérimental. Ce n’est pas totalement un échec pour SpaceX, même si l’on est loin d’une réussite. Parmi les retombées, certains n’ont rien à voir avec l’histoire de l’aérospatial : ce sont les conséquences écologiques.
Le complexe Starbase, où est installée la fusée Starship et où a eu lieu le décollage, est situé à proximité de deux réserves naturelles nationales : la plage de Boca Chica, et le Lower Rio Grande Valley National Wildlife Refuge. On y trouve une riche biodiversité, en partie protégée, avec pas moins de 2 500 espèces d’animaux et de plantes. L’entièreté des côtes que l’on aperçoit sur les images de l’explosion de Starship sont classées par l’Environmental Protection Agency en « aquatic resource of national importance ».
Ce n’est pas une situation totalement inédite : le centre spatial Kennedy de la NASA est situé aussi sur une réserve naturelle. Ce choix est fait sur la base de raisons pratiques pour les lancements, car ces réserves sont éloignées des communautés humaines.
La loi américaine encadre cependant ces installations excentrées en pleine nature. Pour obtenir sa licence et faire décoller Starship, SpaceX a reçu un rapport d’impact écologique, de la Federal Aviation Administration (FAA), lui intimant pas moins de 75 mesures d’atténuation à respecter, par exemple en termes de réduction du bruit. L’entreprise d’Elon Musk a logiquement dû s’y plier, même si les détails ne sont pas connus.
La Starbase pose des inquiétudes écologiques depuis longtemps
Les inquiétudes écologiques autour de la Starbase sont anciennes. Alors que la base s’étendait en 2022, en prévision du lancement de 2023, l’organisme fédéral Fish and Wildlife Service avait posé plusieurs bémols quant aux risques posés envers les espèces menacées. Le média américain CNBC avait obtenu ce document via le Freedom of Information Act. Le rapport indiquait que le lancement de Starship aurait « un impact sur certaines espèces protégées par la loi sur les espèces en danger (Endangered Species Act), ainsi que sur des centaines d’hectares de leur habitat essentiel, même si l’activité n’entraînerait pas la disparition totale de ces espèces », expliquait CNBC.
L’impact le plus préoccupant concerne notamment l’accouplement, la migration, la santé et l’habitat de nombreux oiseaux comme le pluvier siffleur, mais aussi sur des félins comme le jaguarundi et l’ocelot. En danger également, la tortue de Kemp qui habite la plage Boca Chica et qui est tout bonnement l’une des espèces les plus menacées au monde.
American Bird Conservancy a également exprimé des inquiétudes l’année dernière, dénonçant par ailleurs des installations qui, selon l’organisation, n’auraient pas dû être autorisées par la FAA — et des décisions de SpaceX ne respectant pas ce que la FAA a validé. « Les opérations de SpaceX à Boca Chica ont changé de manière significative depuis que l’étude d’impact environnemental (EIS) pour le site a été publiée par la FAA en 2014. Par exemple, l’EIS de 2014 ne mentionnait pas l’installation de gaz naturel en cours de développement pour extraire et livrer du carburant au site. SpaceX a mis en place cette infrastructure, bien qu’elle n’ait pas été approuvée par la FAA », alertait un communiqué.
Quelques jours avant le lancement de la Starship, un reportage de Texas Public Radio a montré que les tests préalables avaient déjà un impact notable sur l’écosystème des alentours. Sur les fameuses plages, habitées par les tortues en voie d’extinction, on trouvait déjà de nombreux débris.
Ces tests préalables avaient aussi été dénoncés dès 2021, par l’organisme CBBEP Coastal Bird Program, qui en montrait des images :
Elle y adjoignait cette alerte : « L’explosion d’un autre prototype de fusée SpaceX (le troisième depuis le début de l’année) a projeté hier des débris métalliques et potentiellement toxiques loin dans les estrans sensibles de la réserve côtière de South Bay, du parc naturel national de Boca Chica et du refuge national de faune et de flore sauvages de Lower Rio Grande Valley. »
Les retombées de l’explosion de Starship
Quelques images mises en avant sur les réseaux sociaux suggèrent que de nombreux oiseaux auraient pu périr dès la phase de lancement. Mais, surtout, en explosant en plein vol, la fusée Starship a provoqué une pluie de poussières et de débris, comme le montre par exemple le reporter Pablo De La Rosa sur son compte Twitter.
Les habitants de villages voisins ont également relevé d’importantes retombées, telle une pluie, sur les toits, les voitures, les sols. Étant donné que la fusée a explosé au-dessus de deux réserves naturelles, la question de l’impact sur ces écosystèmes précieux, et sur leur biodiversité déjà en danger, est bel et bien là.
Sur sa page Facebook, CBBEP Coastal Bird Program indiquait le samedi 22 avril qu’à ce stade, plusieurs jours après l’explosion, « l’entreprise refuse toujours l’accès aux biologistes du refuge afin qu’ils ne puissent pas évaluer les dégâts sur la propriété qu’ils sont chargés de gérer. » C’est, selon le post de l’organisme, « une insulte supplémentaire qui vient s’ajouter aux nombreuses blessures déjà subies par l’habitat et la faune du Lower Rio Grande Valley National Wildlife Refuge. »
De son côté, le média local Texas Public Radio a obtenu confirmation auprès de la Federal Aviation Administration qu’un programme spécial venait d’être activé en raison de l’explosion : l’Anomaly Response Plan (plan de réponse aux anomalies prévu dans le Programmatic Environmental Assessment). Cela signifie notamment que l’entreprise, SpaceX, va être tenue d’identifier et de nettoyer les débris, mais aussi qu’elle devra demander une étude d’impact à un biologiste qualifié pour ce type de programmes.
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