Le trou capacitaire de l’Europe spatiale est en train de se matérialiser. D’après le média Politico, la Commission européenne entend se tourner vers les États-Unis pour s’appuyer ponctuellement sur sa capacité de lancement dans l’espace, pour pallier les insuffisances actuelles du Vieux Continent. Et Bruxelles souhaite avoir l’aval des États membres pour valider son initiative.
Le recours aux options de tir américaines est dû à une double difficulté. D’une part, le lanceur Ariane 5 va disparaître. La fusée a effectué son avant-dernier vol avec JUICE. Il ne lui reste plus qu’un seul tir à boucler, en juin. Il n’y aura plus d’autre exemplaire disponible. Quant à Ariane 6, son successeur, son premier vol n’est pas attendu avant le quatrième trimestre 2023.
C’est même une triple difficulté, car l’Europe ne peut pas non plus compter sur les lanceurs russes, du fait de la guerre en Ukraine. L’agression militaire de Moscou contre Kiev a conduit l’Occident à couper largement les ponts avec la Russie. De fait, il est impossible de mobiliser le Soyouz pour combler le trou capacitaire du continent.
Un mauvais coup pour l’image d’une Europe spatiale autonome
L’appel à un prestataire américain, si les pays de l’Union européenne approuvent, concernerait les satellites Galileo, pour un nombre de tirs indéterminé. Galileo est le nom donné à la constellation satellitaire qui permet à l’Union européenne de fournir un service de géolocalisation mondial. Il s’agit d’une constellation indépendante du GPS, pour être autonome vis-à-vis des États-Unis.
Deux options émergent pour Galileo : il peut y avoir des tirs assurés par l’United Launch Alliance (ULA), la coentreprise entre Lockheed Martin et Boeing. Elle a deux lanceurs au catalogue : la Delta IV et l’Atlas V. Sinon, il y a SpaceX, qui a aussi deux modèles de fusée : la Falcon 9 et le Falcon Heavy. Ces deux entreprises pourraient assurer l’envoi de satellites Galileo, juge Bruxelles.
L’appel à ULA ou SpaceX est évidemment un mauvais symbole pour une Europe qui se pense comme une puissance autonome dans l’espace — ou du moins, qui s’efforce d’en devenir une. C’est doublement regrettable : non seulement il faut recourir au partenaire américain, mais en plus, il faut lui demander de l’aide sur un programme — Galileo — qui illustre cette quête d’indépendance.
Hormis quelques satellites de test, tous les autres exemplaires de Galileo ont été lancés depuis le centre spatial guyanais, près de Kourou. Or, il y a des enjeux de sécurité et de confidentialité avec Galileo. Outre ses services commerciaux pour le grand public, la constellation fournit aussi des fonctionnalités plus sensibles, pour les autorités.
Compte tenu de ce volet plus critique, les décollages de Galileo ne peuvent pas se faire n’importe où. C’est pour cela qu’un feu vert des États membres est recherché et qu’un accord avec les États-Unis devra être obtenu pour assurer la sécurité, l’intégrité et la confidentialité des engins qui seront tirés depuis le sol américain — si cela abouti.
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