Atterrir sur la Lune est complexe. La mission Hakuto-R vient malheureusement de le vérifier, en loupant son arrivée. Pourquoi est-ce si ardu, alors que l’on explore la Lune depuis des décennies ?

Après des mois de voyage, la mission japonaise Hakuto-R s’était enfin approchée de sa cible. Mais, tandis que l’atterrisseur s’apprêtait enfin à se poser sur la Lune, il s’est vraisemblablement crashé à sa surface, le 25 avril 2023. Les équipes d’Ispace, la société nippone qui a développé ce programme, ont perdu le contact avec Hakuto-R au moment de l’alunissage.

Ce raté n’est pas le seul dans l’histoire de la conquête lunaire. Encore récemment, des missions ont connu un sort similaire : en 2019, la mission israélienne Beresheet et la mission indienne Vikram se sont aussi achevées sur un impact, au lieu de se poser en douceur. Plusieurs décennies après les premiers pas humains sur la Lune, et après tant de missions robotisées à sa surface, il peut paraître surprenant qu’en 2023, il reste si compliqué d’atterrir sur le satellite naturel terrestre.

Objectif Lune, à une condition : ralentir énormément

Même si la Lune est le corps spatial le plus exploré, s’y poser est toujours un défi, même en 2023. « Sur la Lune, pour atterrir, on n’a pas le choix, explique à Numerama Stéphanie Lizy-Destrez, enseignante chercheure à l’ISAE-SUPAERO en conception des systèmes spatiaux. L’atmosphère, très fine, n’est pas suffisante pour ralentir. Il faut être en orbite autour de la Lune pour pouvoir se poser, mais les vaisseaux vont encore trop vite : il faut les ralentir. La gravité lunaire étant plus faible que celle de la Terre, il faut ralentir d’autant plus fort. »

Sur Terre, l’atterrissage est complexe, mais maitrisé, puisque la présence de l’atmosphère aide à freiner. « Sur Mars aussi, il y a une atmosphère, même si elle est plus fine : on a des systèmes avec des airbags, des boucliers, des rétrofusées. Sur la Lune, ça ne marche pas : on ne peut que freiner avec des moteurs. Il faut à plusieurs étapes vérifier que l’on décélère bien, et c’est ce qui leur a manqué », résume la scientifique. Dans le cas de la mission Hakuto-R, l’origine de l’accident serait due à une fuite dans les réservoirs. Résultat : l’atterrisseur serait tombé en chute libre, plutôt qu’en freinant avec ses moteurs. « Il y a eu à peu près 90 secondes de chute libre. À sa vitesse, c’était un atterrissage brutal. »

Gare au cache-cache avec le Soleil et aux cratères

La faible gravité et l’atmosphère très fine de la Lune ne sont pas les seuls paramètres qui compliquent les atterrissages. Paradoxalement, la Lune est elle-même une gêne, poursuit Stéphanie Lizy-Destrez. « La Lune est complètement dans le champ de vue des caméras de navigation. La sonde n’a plus autant accès à la puissance du Soleil, qui peut être occulté par la surface. Il faut donc des batteries suffisamment importantes à bord pour gérer l’énergie correctement, le temps de l’atterrissage. »

Comme pour toutes les autres missions spatiales, l’environnement peut complexifier l’atterrissage : les températures, les radiations. « Sur la Lune, en plus, il y a de la poussière. Le régolithe [la poussière fine en surface] peut se soulever pendant la dernière phase et occulter les caméras. » Il faut ajouter à cela que la surface lunaire est un terrain parsemé de cratères, avec certaines pentes très abruptes. « On risque d’atterrir de travers, de basculer et de tomber. Pour Hakuto-R, ils avaient cependant choisi le cratère Atlas, qui est assez plat. »

Viser la Lune, oui, mais attention aux cratères. // Source : Canva
Viser la Lune, oui, mais attention aux cratères. // Source : Canva

Les équipes de la mission l’ont vécu en direct : la communication est cruciale. Or, malgré la relative proximité de la Lune, ce terrain de jeu spatial n’est pas épargné par les aléas de communication. « Même si l’on voit la Lune depuis la Terre en permanence, il y a quand même un petit délai pour communiquer, de 2-3 secondes, rappelle la scientifique. Sur des opérations complexes comme celle-ci, à la vitesse à laquelle l’engin descend, rien qu’en 2 à 3 secondes, il a déjà parcouru une grande distance. »

Comme d’autres missions auparavant, celle d’Ispace s’est frotté à un environnement hostile pour atterrir. Mais, l’entreprise était-elle moins préparée qu’une agence spatiale ? Stéphanie Lizy-Destrez ne pense pas que ce soit une explication plausible. « Ispace a bénéficié de nombreux supports des institutions, que ce soit la Jaxa, l’ESA et même la Nasa. Tout le monde avait envie qu’ils réussissent. Ils ont moins d’expérience, c’est sûr, mais ils se sont entourés d’experts. Avec l’élan du New Space, des gens peuvent accéder à des missions d’exploration plus facilement. Mais, c’est difficile d’atterrir sur la Lune, tout simplement. »

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