Il y a un peu de Mars sur Terre. Quelques dizaines de météorites retrouvées sur Terre appartiennent en réalité à la planète rouge. Parmi elles, il y a « Black Beauty ». Ce morceau de roche, d’un noir profond et pesant 320 grammes, est tombé du ciel en août 1865, en atterrissant à Sherghati — une ville située en Inde. Composé d’une matière dorénavant appelée shergottite (du nom du village), il a été étudié pendant plus d’un siècle, jusqu’à ce que la planète Mars puisse être pointée du doigt sans plus de doutes.
C’est en étudiant sa composition que cette identification est possible, en comparant les gaz encapsulés dans la météorite avec ceux présents dans l’atmosphère martienne. En juillet 2022, les scientifiques ont même pu identifier la provenance exacte sur Mars : Black Beauty provient du cratère Karratha. Il reste néanmoins une question : comment ce petit bout de Mars a-t-il pu finir sur Terre ?
Pour le savoir, il faut retracer l’histoire et la physique des impacts sur notre planète voisine : si une météorite martienne arrive chez nous, c’est qu’une météorite s’est elle-même écrasée sur ce monde en soulevant de la matière. Il faut donc un impact apte à projeter une roche dans l’espace.
L’impact martien recréé en laboratoire
Pour comprendre ce processus, des scientifiques de l’institut de technologie de Californie (Caltech) ont procédé à des expériences en laboratoire, sur Terre. Ils détaillent leur démarche dans une étude parue dans Science Advances, le 3 mai 2023. « Nous ne sommes pas sur Mars, nous ne pouvons donc pas assister en personne à l’impact d’une météorite », explique le planétologue Yang Liu, co-auteur de cette étude, sur le site de Caltech. « Mais nous pouvons recréer un impact similaire en laboratoire. »
Pour cette simulation, l’équipe de recherche a mobilisé un puissant canon dans lequel étaient enfournées des plagioclases. Ce type de roche — un minéral cristallin — est l’un des composants majeurs des roches martiennes. Sous une pression très élevée, la plagioclase se transforme entre un matériau de verre appelé maskelynite. Or, les météorites tombées sur Terre, et provenant de Mars, comme la fameuse Black Beauty, sont un mélange de plagioclase et de maskelynite. Comme la maskelynite se forme sous la pression, le niveau de maskelynite dans une roche permet de déterminer le niveau de pression initial.
Durant la simulation, le canon a projeté les roches de plagioclase à une vitesse 5 fois plus élevée que la vitesse du son. L’objectif : observer et mesurer le choc et l’éclatement de la roche lors de l’impact. C’est ainsi que les auteurs ont découvert « qu’il faut beaucoup moins de pression que nous ne le pensions pour lancer une météorite martienne ». La pression à partir de laquelle la transformation avait lieu était en deçà des 30 gigapascals (GPa) — unité de mesure de la pression lors des chocs –, pourtant déterminés lors de précédents travaux. La métamorphose apparaît finalement dès 20 GPa.
« Dans ce contexte, la différence entre 30 GPa et 20 GPa est significative. Plus nous pouvons caractériser avec précision les pressions de choc subies par une météorite, plus nous avons de chance d’identifier le cratère d’impact sur Mars d’où elle provient », explique Paul Asimow, l’auteur principal de l’étude.
L’histoire tumultueuse d’une roche martienne arrivée sur Terre
Pour que la météorite martienne de Black Beauty parvienne jusqu’à nous, l’histoire commence il y a plus de 4 milliards d’années. On est alors en plein Noachien, la première période géologique martienne caractérisée par de très nombreux et puissants impacts de météorites sur toute la surface de la planète. À cette époque se crée une structure d’impact de 25 kilomètres : le cratère Dampier (dans la région de Terra Cimmeria).
Puis, il y a 1,5 milliard d’années, un nouvel impact a eu lieu à proximité, créant un cratère de 40 km et baptisé Khujirt. Cet impact a soulevé une nuée de poussière et des matériaux — des « éjectas » — qui ont recouvert le cratère Dampier. Ensuite, plus récemment, il y a 5 à 10 millions d’années, un nouvel impact entre dans la course, créant un cratère à proximité — Karratha. Ce dernier impact a soulevé les éjectas que Khujirt avait projetés sur Dampier.
La roche de Black Beauty fait partie de ces matériaux soulevés — et violemment projetés dans l’espace. Caractériser le choc qui a permis cette projection — comme l’a fait la dernière étude en date — permet de mieux comprendre cette toute dernière partie de l’histoire.
Ces météorites sont pour l’instant les seuls éléments de Mars que l’on peut physiquement étudier. Aucun échantillon n’a encore été ramené : ce sont justement de prochaines missions spatiales ambitieuses, qui ont déjà commencé.
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