Helion. Non, ce n’est pas le nom du prochain méchant dans Marvel, mais celui de l’entreprise américaine avec laquelle Microsoft vient de passer un accord pour se faire livrer 50 mégawatts d’énergie propre d’ici 2028, grâce à une future centrale à fusion nucléaire.
La multinationale en profite pour communiquer sur ses ambitions écolos. Mais miser sur une telle avancée scientifique ne doit pas distraire des solutions qui existent déjà pour réduire l’empreinte environnementale, alerte un expert du sujet.
Objectif : atteindre le « Graal sacré » de l’énergie propre d’ici 5 ans
Ici, on ne parle pas de fission nucléaire, qui consiste à fragmenter un noyau d’atome, mais bien de fusion, le processus par lequel deux noyaux atomiques s’assemblent pour en former un plus lourd. Cette réaction est celle à l’œuvre dans notre Soleil ; reproduite sur Terre, elle permettrait de générer des quantités d’énergie possiblement infinie et décarbonée. Elle produirait également des déchets ayant une période de radioactivité sensiblement plus courte que ce que rejettent les centrales actuelles.
Pour parvenir à ce « Graal sacré de l’énergie », Helion compte sur un accélérateur de plasma conçu pour atteindre plus de 100 millions de degrés Celsius. Il permet de faire chauffer un gaz appelé deutérium et de l’hélium-3 pour se transformer en plasma, qui est ensuite comprimé par des champs magnétiques, jusqu’à ce que la réaction de fusion se produise, comme le détaille la vidéo de présentation du projet.
L’accord permettra à Microsoft d’atteindre ses objectifs de neutralité carbone d’ici 2030, a affirmé Helion Energy dans un communiqué. « L’annonce d’Helion soutient nos objectifs de long terme vers l’énergie propre et fera progresser le marché pour établir une nouvelle méthode efficace pour apporter de l’énergie propre sur le réseau plus rapidement », a renchéri le président de Microsoft, Brad Smith.
Dépenses faramineuses et retards en série
« Tokamak », « stellarator ou encore « sphéromak » : depuis les années 1940, les scientifiques ont testé de nombreux procédés pour tenter de parvenir à la fusion nucléaire. L’un des plus avancés à l’heure actuelle, le réacteur expérimental ITER (de type « tokamak »), est situé dans les Bouches-du-Rhônes. Selon les dernières estimations, plus de 20 milliards d’euros ont déjà été engloutis dans ce programme pharaonique, qui associe 35 pays dont l’Union européenne, la Chine, la Russie et les Etats-Unis entre autres. Sensé être livré en 2025, le projet a pris du retard et ne devrait pas voir le jour avant 2030.
De son côté, la startup canadienne General Fusion développe aussi un prototype de réacteur son cru, soutenu par des investisseurs comme Jeff Bezos. Le fondateur d’Amazon n’est pas la seule tête pensante de la Silicon Valley à miser sur cette source d’énergie du futur. Sam Altman, le PDG d’OpenAI, la startup derrière ChatGPT a investit 375 millions de dollars (344 millions d’euros) dans Helion Energy.
De quoi financer en 2021 le début des travaux sur le premier site destiné à accueillir un de leurs réacteurs, dans l’État de Washington. Fondée en 2013, Helion accuse en fait déjà dix ans de retard sur ses plans initiaux qui tablaient sur une mise en service en 2018.
Une promesse incertaine qui ne doit pas distraire des solutions existantes
A ce stade, le projet Helion x Microsoft pourrait davantage tenir de la promesse marketing et se révéler être un gouffre financier, lui-même gourmand en énergie.
« La difficulté de faire fonctionner [ce système] d’un point de vue climatique, je crains que cela n’occasionne des dommages bien réels », estime le professeur de journalisme Charles Seife, auteur d’un livre sur le sujet de la fusion nucléaire (dont le titre se traduit par Le Soleil en boîte : L’Étrange histoire de la fusion et de la science qui prend ses désirs pour des réalités), interrogé par le site Gizmodo. « Les estimations que nous avons à faire, les choix difficiles que nous devons prendre, sont remis à plus tard, car nous avons un génie qui doit sortir de cette lampe d’ici cinq ans », regrette l’expert américain.
Questionné sur les autres sources alternatives pour atteindre leurs objectifs en matière environnementale, Microsoft s’est contenté de rediriger Gizmodo vers son dernier rapport en matière de sustainabilité. Le document cite l’optimisation énergétique de ses datacenters, et table sur la fin de l’utilisation du diesel en 2030.
Ainsi, à parier sur les prouesses techniques futures, il ne s’agit pas de perdre de vue les solutions environnementales qu’il est possible de mettre en place dès aujourd’hui.
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