La Nasa a coupé la communication, le 30 janvier 2020 : le télescope spatial Spitzer s’est endormi. Un départ en fanfare au terme de 17 ans de bons et loyaux services, de la part de cette mission qui n’aurait dû durer que moins de 3 ans lors de son lancement en 2003. Et, pourtant, l’engin pourrait ne pas avoir dit son dernier mot. Un projet est en cours pour le ramener à la vie.
« Notre but est de relancer son système de communication, résume pour Numerama le principal responsable de cette mission, l’astrophysicien Shawn Usman, afin qu’il puisse envoyer à nouveau des données vers la Terre. »
Le fondateur de la startup américaine basée à Washington DC, Rhea Space Activity, compte construire un satellite baptisé Resurrector. Un petit engin de 350 kilos qui irait à la rencontre de Spitzer, à près de 300 millions de km de la Terre, en faisant une orbite derrière le Soleil, et qui le réveillerait. « Resurrector servirait de relai entre Spitzer et la Terre, précise Shawn Usman. Les données transiteraient par lui, ce qui nécessite une technologie avancée en radio. »
Spitzer est endormi, mais pas mort
Ce scénario compte sur le fait que Spitzer fonctionne normalement, ce qui est censé être le cas. Si la Nasa a décidé de le mettre en sommeil en 2020, c’est parce qu’il dérivait de plus en plus loin de la Terre, avec une antenne mal orientée, ce qui rendait la communication difficile. Mais, le reste, y compris les batteries, est censé être toujours en état, même s’il s’agit d’un engin vieux de 20 ans. L’hélium liquide qui servait à refroidir ses instruments a été épuisé en 2009, mais ses capacités sont restées correctes.
En tout cas, Shawn Usman y croit : « Si nous sommes capables de le rallumer, il devrait pouvoir continuer sa mission comme avant, avec les mêmes capacités. Bien-sûr, ce sera difficile, mais nous y croyons. » L’autre obstacle, en dehors de la santé présumée du télescope, est sa distance. Resurrector devra être équipé d’un système de navigation très perfectionné, pour pouvoir arriver à destination sans encombre, le tout en se repérant grâce à un système optique qui détecte les astéroïdes à proximité.
Cela dit, est-ce bien nécessaire d’aller réveiller un satellite lancé il y a deux décennies, alors que d’autres ont pris le relais depuis ? Spitzer fut acteur de nombreuses découvertes grâce à ses observations dans l’infrarouge. Le télescope s’est spécialisé dans l’observation des comètes, des astéroïdes, mais aussi des exoplanètes et des galaxies lointaines. Ses découvertes sont innombrables dans de nombreux domaines liés à l’astrophysique, et toutes les données qu’il a récoltées sont loin d’avoir été décortiquées. Néanmoins, ses compétences sont bien en deçà de celles du télescope spatial James Webb (JWST).
La mise en service du JWST a d’ailleurs été une des motivations de la Nasa pour mettre fin à Spitzer, dont le maintien coûtait cher chaque année à l’agence spatiale américaine. Désormais, ce successeur observe les mêmes cibles que Spitzer, sur les mêmes longueurs d’onde, mais à des degrés de précision bien plus élevés. « Je pense que les deux peuvent être complémentaires, suggère Shawn Usman. Le JWST est plus utile pour les objets très lointains, mais Spitzer peut aussi servir à cibler des astres plus proches, comme des astéroïdes géocroiseurs. Il y a toujours la possibilité de faire de la science. »
Vers un lancement en 2026
Une motivation qui cache un autre enjeu : la technologie. Réveiller un satellite endormi peut être extrêmement intéressant, au vu du coût des missions. Même l’armée américaine lorgne vers cette idée et a apporté son soutien à Rhea Space Activity pour ce projet. « C’est avant tout une volonté de démonstration de leur part, considère Shawn Usman. L’armée veut montrer qu’elle peut réveiller n’importe quel satellite en retraite, qu’il soit en orbite basse ou dans une zone plus lointaine. »
Résultat, le département de la Force aérienne des États-Unis, ainsi que la United States Space Force, financent la mission. C’est un grand pas en avant pour le projet de Shawn Usman, mais pas l’ultime étape vers une concrétisation : « Nous en sommes encore au stade où nous voulons sécuriser le financement pour faire de ce projet une réalité, mais c’est en bonne voie et je suis convaincu que nous allons y arriver ! »
Le plan actuel consiste en un lancement pour 2026, ce qui paraît très tôt. Mais, Resurrector a déjà son design de prêt, et une fois le financement assuré, il ne restera « uniquement » qu’à le construire.
En cas de succès, Shawn Usman espère ouvrir la voie à d’autres missions de ce genre : « C’est un défi technique, mais il n’y a rien d’impossible, nous sommes capables d’y arriver. Peut-être que dans 20 ans, il y aura un vaisseau similaire qui viendrait réveiller le JWST ! »
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