« En l’absence de réaction des institutions, les graves manquements constatés pourraient devenir la norme », s’inquiétaient seize organisations médicales dans une tribune publiée dans Le Monde, le 28 mai dernier. En cause, les graves manquements à l’éthique par Didier Raoult et son équipe, à l’IHU de Marseille, dès les débuts de la pandémie du covid. Des manquements qui sont à l’origine d’un essai clinique « sauvage » impliquant 30 000 patients, dénonce cette tribune.
Hasard du calendrier, trois jours après cette tribune, une perquisition a eu lieu ce mercredi à l’IHU dans le cadre d’une enquête déjà ouverte depuis plusieurs mois sur les pratiques de l’établissement.
Quel est cet essai « sauvage » de Didier Raoult ?
En avril 2023, Didier Raoult et son équipe ont publié une étude en preprint — c’est-à-dire une publication qui n’est pas relue par un comité indépendant et qui n’a pas de valeur scientifique. Cette étude, dédiée à l’hydroxychloroquine contre le covid, a impliqué 30 423 patients. Selon les auteurs de la tribune, il s’agirait du « plus grand essai thérapeutique ‘sauvage’ connu ». Si le mot « sauvage » est lâché, c’est parce que cette étude ne semble pas entrer dans les clous éthiques — voire dans les clous légaux.
En effet, ce papier fait référence à des travaux cliniques ayant eu lieu entre mars 2020 et décembre 2021. Or, bien avant décembre 2021, il était déjà prouvé que la chloroquine n’était pas efficace contre le covid et que le protocole était même très risqué. Raison pour laquelle la tribune dénonce « la prescription systématique, aux patients atteints de Covid-19 (…) de médicaments aussi variés que l’hydroxychloroquine, le zinc, l’ivermectine ou l’azithromycine (…) sans bases pharmacologiques solides, et en l’absence de toute preuve d’efficacité », mais aussi le fait que ces prescriptions aient continué « pendant plus d’un an après la démonstration formelle de leur inefficacité. »
La tribune en appelait alors les autorités à se saisir de l’affaire afin de prendre « les mesures adaptées aux fautes commises », car la « sécurité des patients » est en jeu mais aussi la « crédibilité de la recherche médicale française ».
Didier Raoult a réfuté les accusations. Selon lui, il s’agit d’une étude observationnelle et non pas thérapeutique (à noter que la présence d’un protocole de prescription non-ordinaire contredit d’emblée cette affirmation, une étude observationnelle se contentant d’un suivi de routine de traitements connus ; là où un essai thérapeutique consiste à essayer un nouveau traitement). Il a également fustigé une « tribune d’imbéciles », ajoutant auprès de Franceinfo : « Que les autorités de santé viennent faire leur enquête sur l’hydroxychloroquine. »
La perquisition de l’IHU-Méditerranée-infection
D’après des informations concomitantes de La Provence et du JDD, une perquisition a eu lieu à l’IHU de Marseille, ce matin du mercredi 31 mai, avec la présence de gendarmes sur les lieux dès 8h.
Quelle est l’enquête ?
Cette perquisition ne fait, a priori, pas suite directement à cette tribune, mais à une enquête qui a déjà été ouverte en septembre 2022. Elle est le résultat d’un rapport accablant de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), rendu en août 2022, qui concluait à des manquements graves aussi bien dans le management autoritaire des équipes que dans les pratiques médicales déviantes. Ces dérives, selon l’IGAS, peuvent faire l’objet de poursuites pénales.
L’« essai sauvage » dénoncé dans la tribune est donc indirectement concerné, puisque la prescription d’un médicament inefficace et dangereux dans ce contexte fait partie des pratiques médicales déviantes sur lesquelles se penchent les enquêteurs.
Quelle autorité mène l’enquête ?
Les gendarmes présents pour cette perquisition appartiennent à l’Oclaesp — l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. C’est ce service spécifique de police judiciaire de la Gendarmerie nationale qui mène cette enquête.
Quels documents sont saisis ?
Il n’est pas possible de savoir précisément quels documents ont été saisis sur place ce matin. Tout ce que l’on sait est que ce sont des documents liés aux essais cliniques menés à l’IHU de 2020 à 2022.
Et après ?
Ce type de perquisition permet à l’autorité compétente d’être en possession d’informations plus concrètes, afin de déterminer si les méthodes employées sont compatibles ou non avec la réglementation. Si les manquements sont prouvés, alors des poursuites pénales peuvent être engagées, donnant potentiellement lieu à une condamnation.
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