Et si l’humanité disparaissait ? L’imaginaire post-apocalyptique nous a habitué en partie à la question en décrivant des mondes effondrés — comme The Last of Us, Je suis une légende, Station Eleven — où la nature reprend ses droits. Mais, que se passerait-il vraiment ? Que verrait-on sur Terre si l’on était en mesure d’y retourner, quelques années ou décennies (voire siècles) plus tard ? Entamons ce voyage post-apo.
Dans la nature
Vous débarquez aux abords de votre ancienne ville. Votre premier choc n’est pas forcément visuel, mais auditif. « Si les humains disparaissaient du monde et que vous pouviez revenir sur Terre pour voir ce qui s’est passé un an plus tard, la première chose que vous remarqueriez ne serait pas avec vos yeux. Ce serait avec les oreilles », relève le spécialiste de l’urbanité Carlton Basmajian, dans The Conversation. Car la disparition de l’humanité signifierait, très rapidement, la fin de la grande cacophonie de nos activités. Nous faisons du bruit sur terre (voitures, trains, travaux, fêtes…), sous terre (métros, égouts, construction…) et dans le ciel (avions, satellites).
L’humanité est bruyante : c’est la pollution sonore, qui se traduit par excès régulier de décibels en toile de fond. Celle-ci peut causer des problèmes de santé et même être un supplice pour les animaux. Lors du confinement de 2020, le « bruit sismique », c’est-à-dire l’ensemble des ondes sonores traversant la Terre, a chuté du fait de notre silence soudain. Toujours pendant le confinement, les oiseaux ont soudainement changé leur façon de chanter dans certaines régions, notamment en chantant plus fort, car ils en avaient le loisir.
Si la nuit tombe pendant notre périple post-apocalyptique, on vit là encore un choc : l’environnement pleinement sombre, le ciel noir. « Sans lumière électrique, le rythme du monde naturel reviendrait. La seule lumière proviendrait du soleil, de la lune et des étoiles. Les créatures nocturnes se réjouiraient de retrouver leur ciel noir », écrit Carlton Basmajian. Là encore, c’est une autre type de pollution qui s’évanouirait : la pollution lumineuse. Cette dernière peut bouleverser le rythme de vie des animaux, comme celui des lucioles.
L’air semble également plus pur — levant une troisième pollution, celle de l’air, qui n’épargne même plus les campagnes. Après plusieurs décennies, « le vent et la pluie nettoieraient la surface de la Terre ; tout le smog et la poussière produits par les humains auraient disparu », estime Carlton Basmajian. Certes, mais il faudra cependant des dizaines de décennies pour que l’atmosphère soit nettoyée des gaz à effet de serre, à l’origine du changement climatique. Lequel aurait, pendant encore longtemps, de graves conséquences en raison de ses effets à retardement (la fonte des glaces ne cesserait pas du jour au lendemain).
S’ajoute un effet inattendu sur la nature : les incendies, devenus plus fréquents. « La foudre peut frapper un arbre ou un champ et mettre le feu aux broussailles, ou toucher les maisons et les bâtiments. Sans personne pour les éteindre, ces incendies se poursuivaient jusqu’à ce qu’ils s’éteignent d’eux-mêmes. »
Dans votre quartier
Commençons à marcher un peu (car inutile de préciser que les voitures et les transports sont à l’arrêt), en prenant le chemin d’anciennes routes. Si nous revenons sur Terre après seulement un an sans humains, les structures solides, en béton ou bitume, comme les routes justement, mais aussi les ponts, les immeubles, restent relativement similaires. Mais, si quelques années ont passé, on peut en revanche observer de nombreuses fissures et des plantes s’y faufiler. « Ce phénomène s’explique par le fait que la Terre est en perpétuel mouvement », explique Carlton Basmajian. « Ce mouvement s’accompagne d’une pression qui provoque des fissures. Les routes finissent par se fissurer au point de ressembler à du verre brisé, et des arbres poussent même à travers les fissures. »
À proximité de nous, il y a peut-être d’anciennes fermes. Elles ont disparu, d’autant que leurs animaux d’élevage sont rapidement devenus des proies pour d’autres prédateurs. Il en va d’ailleurs de même des animaux domestiques, comme les chats, les chiens, revenus à l’état sauvage, mais livrés à eux-mêmes comme proies relativement faciles.
Nous voilà maintenant arrivés dans votre ancien quartier. Vous y croisez probablement de nombreux animaux que vous ne voyez pas lorsque vous y habitiez. Le type d’espèces dépend, bien sûr, de l’écosystème régional. Dans tous les cas, l’absence de vie humaine dans votre quartier supprime les « frontières » qu’il y avait entre la ville et la nature. L’idée même d’une différence entre les deux est maintenant caduque. C’est aussi un phénomène observé durant les confinements : l’anthropause (contraction d’« humanité » et de « pause ») a modifié le comportement des animaux.
Malheureuseument, comme pour le dérèglement climatique, même la disparition de l’humanité ne supprimerait pas soudainement les conséquences de la sixième extinction de masse causée par nos activités. Car nous ne serions plus là pour réparer nos erreurs. Sans notre soutien pour leur conservation, des espèces s’éteindraient inéluctablement.
Dans votre maison
En voguant dans les rues, on finit par tomber devant votre ancienne maison — plus poussiéreuse que jamais. Vous vous souvenez des petits plats que vous y cuisiniez, de vos soirées télés devant Netflix, de vos après-midis en télétravail devant votre ordinateur ? Plus rien de tout cela n’est envisageable. En premier lieu parce qu’il n’y a plus de courant : « Les centrales électriques cesseraient de fonctionner parce que personne ne les surveillerait et ne maintiendrait l’approvisionnement en combustible. Votre maison serait alors plongée dans l’obscurité, sans lumière, ni télévision, ni téléphone, ni ordinateur. » (Bien-sûr, si vous avez des panneaux solaires, la donne serait quelque peu différente, mais encore faut-il que l’infrastructure ait tenu sans entretien.)
De même, n’espérez pas vous laver les mains ni prendre une douche ni boire un verre. « Les systèmes d’approvisionnement en eau nécessitent un pompage constant. S’il n’y a personne pour gérer les machines qui pompent l’eau, il n’y a pas d’eau », indique Carlton Basmajian. Lors des premières semaines, il resterait certes de l’eau dans les canalisations. Mais, en passant le premier hiver, « l’air glacial gèlerait l’eau dans les canalisations et les ferait éclater ».
Votre jardin n’est pas davantage reconnaissable. D’abord, car l’herbe a évidemment poussé jusqu’à son maximum, mais aussi parce que vous vous pouvez y voir des variétés de plantes que vous n’y avez jamais vu. « Chaque fois qu’un arbre laisse tomber une graine, un petit arbre peut pousser. Personne ne sera là pour l’arracher ou le couper. » Le plus surprenant peut-être, c’est d’y observer la vie des insectes autour de vous, abondante.
« N’oubliez pas que les gens ont tendance à faire tout ce qu’ils peuvent pour se débarrasser des insectes », relève Carlton Basmajian. « Ils pulvérisent de l’insecticide dans l’air et sur le sol. Ils enlèvent l’habitat des insectes. Ils mettent des moustiquaires aux fenêtres. Et si cela ne fonctionne pas, ils les écrasent. Si les gens ne faisaient pas tout cela, les insectes reviendraient. Ils auraient de nouveau le champ libre dans le monde. »
Et dans 1 000 ans ?
L’empire romain s’est effondré il y a environ 1 500 ans. Il en reste des vestiges — de solides vestiges quelques fois, les bâtiments les plus massifs et construits dans des matériaux les plus aptes à résister aux éléments et au temps. Nul doute que certaines infrastructures humaines pourraient tenir en partie à travers un tel laps de temps. « La disparition soudaine de l’être humain dans le monde révélerait à tout le moins quelque chose sur la façon dont nous avons traité la Terre », conclut Carlton Basmajian.
Imaginer une terre sans humains montre combien notre monde est rodé et millimétré, comme les traces qu’on laisse. Mais, quelles traces ? Si l’on évoque parfois la notion d’Anthropocène, c’est-à-dire l’âge à partir duquel l’humanité devient la force principale de changements sur Terre, certains scientifiques interpellent notamment sur une définition possible de notre époque : l’ère du plastique.
En 2021, des archéologues ont excavé 3 000 déchets — cuillères, emballages… — sur un site archéologique. Ils dataient de la fin du 20e siècle. Cette étude montrait ainsi comment le plastique pouvait pénétrer dans les dépôts terrestres (en plus des océans). Les auteurs estimaient que leur découverte montrait « comment la façon de vivre depuis la fin du 20e siècle et le début du 21e siècle crée des motifs distincts qui représentent une partie de la signature de l’Anthropocène ».
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