Nous sommes le 26 mai 2023, et les spécialistes du spatial commencent à s’inquiéter. Un post publié par l’ingénieur en chef d’Ingenuity, Travis Brown, est publié sur le site de la Nasa consacré à la planète Mars. On y apprend qu’Ingenuity, le petit hélicoptère qui devait planifier son 50ème vol, commence à avoir du mal à communiquer avec le rover Perseverance, son compagnon de route sur Mars depuis maintenant 2 ans.
À plusieurs reprises, le rover a tenté de le contacter, mais sans succès, forçant même Ingenuity à passer en mode survie pour économiser ses batteries. Depuis, les choses sont à peu près rentrées dans l’ordre et l’hélicoptère en est à son 52ème vol, ce qui n’empêche pas les craintes autour de son fonctionnement futur.
« Il y a eu beaucoup de rumeurs et d’exagérations, même en interne, raconte à Numerama Nacer Chahat, ingénieur de la Nasa en charge du système de communication d’Ingenuity. Mais, pour résumer, Ingenuity va bien de ce que l’on en sait. »
Ingenuity en zone blanche sur Mars
Cette affirmation, Nacer Chahat l’a bâtie sur deux ans d’expérience à suivre les mouvements de l’hélicoptère et ses capacités de communication. Tout d’abord, il faut savoir que l’échange d’informations entre l’hélicoptère et le rover repose sur deux éléments : la topographie, et l’orientation du rover. Si Ingenuity se retrouve dans des lieux escarpés, avec des formations rocheuses autour de lui, il aura plus de mal à communiquer. Encore pire si Perseverance n’est pas dirigé vers lui. Mais, à quel point cela complexifie-t-il les choses ? Difficile à dire.
« Au début de la mission, nous avions des modèles théoriques sur la capacité à échanger des informations entre les deux appareils, détaille Nacer Chahat. Mais, nous nous sommes rapidement rendus compte qu’en réalité, ces échanges fonctionnaient mieux que prévu. » En d’autres termes, les ingénieurs ont tenté de faire communiquer l’hélicoptère et le rover dans des configurations où ils n’étaient pas censés y parvenir… Mais, ils ont réussi quand même !
Dans les mois qui ont suivi, la Nasa s’est habituée à avoir des performances supérieures à celles attendues, et a emmené Ingenuity bien au-delà de ses forces supposées. Alors que la mission principale était prévue pour une demi-douzaine de vols, nous en sommes aujourd’hui à 52, à des hauteurs et des distances bien supérieures aux premières estimations.
Dans le même temps, Nacer Chahat et d’autres ont continué à travailler sur les modèles théoriques pour connaître plus précisément les capacités de communication de l’hélicoptère et sont arrivés à des conclusions sans doute plus proches de la réalité.
« Tout le monde s’était habitué à communiquer sans souci » avec l’hélico de la Nasa
Ce qui nous mène au 50ème vol. Perseverance s’est approché du cratère Belva où le terrain est beaucoup plus hostile, et il se retrouve séparé d’Ingenuity par des formations rocheuses. Et, au moment de vouloir communiquer, rien ne se passe. « C’est normal à ce stade, assure Nacer Chahat. Cela correspond à nos prévisions, mais tout le monde s’était tellement habitué à communiquer sans souci, qu’il y a eu des inquiétudes. »
Depuis, le 50ème vol a pu avoir lieu normalement, y compris les deux suivants, mais à chaque fois, avec des difficultés liées aux paramètres habituels : l’orientation du rover et le terrain. Il faut donc parfois attendre plus longtemps entre deux vols, ce qui n’est pas forcément dangereux pour Ingenuity selon Nacer Chahat.
« Il peut rester immobile plusieurs semaines sans qu’il y ait de risque. Même la poussière qui avait causé beaucoup de soucis à d’autres missions comme InSight est moins un problème pour nous, car les pales la balaient un peu à chaque fois. »
De plus, les mouvements d’Ingenuity dépendent avant tout de Perseverance qui a la charge de la mission scientifique principale, et qui se déplace selon ses impératifs propres. Il faudra donc attendre encore un moment avant que son parcours ne le rapproche de son compagnon volant.
« Nous savons qu’Ingenuity a déjà beaucoup vécu, et nous guettons le moindre problème désormais, reconnaît Nacer Chahat. Mais, à ce stade, il ne montre aucun signe réel de fatigue, rien qui nous dit que la mission touche à sa fin. »
Pourtant, même si Ingenuity s’arrêtait demain, l’expérience serait tout de même considérée comme un succès total : l’hélicoptère a prouvé qu’il était possible de voler sur Mars et a accompli bien plus que ce qu’il devait faire à la base. « En plus, ce périple nous a aidé à développer de nouveaux outils plus précis, conclut Nacer Chahat. Désormais, nous savons comment faire pour ne pas nous retrouver dans des positions dans lesquelles nous perdons totalement la communication, et ça c’est un grand pas en avant. »
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