Les océans recouvrent près de 71 % de la surface du globe. Pourtant, cela reste un environnement que l’on connaît assez mal. Si la surface n’a plus guère de mystère à offrir (impossible de se cacher des satellites d’observation, qui balaient sans relâche les vastes étendues marines), les profondeurs demeurent une sorte de « terra incognita ».
En fait, l’essentiel du plancher océanique reste à découvrir. Si l’on se fonde sur les données de l’agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), qui datent de l’été 2022, il y a environ 80 % des fonds marins que l’on n’a pas encore explorés et cartographiés. Autrement dit, on n’a visité véritablement qu’un cinquième de tout l’océan.
Précisément, les opérations cartographiques ont permis de couvrir jusqu’à présent 23,4 % des océans, selon la NOAA. Depuis 2017, il existe toutefois un programme, appelé Seabed 2030, qui ambitionne de produire d’ici à sept ans « la carte définitive des fonds océaniques mondiaux ». Ou, tout du moins, les grandes lignes de ce qui se trouve sous la surface.
Cartographier les fonds marins est difficile et coûteux avec des engins sous-marins, rappelle la NOAA. « Moins de 10 % de l’océan mondial est cartographié à l’aide d’une technologie de sonar moderne. Pour l’océan et les eaux côtières des États-Unis, seuls 35 % environ ont été cartographiés à l’aide de méthodes modernes. » D’autant que les GPS ne fonctionnent pas sous la surface des océans, mers et rivières : la physique de l’eau étant différente de celle de l’air, les ondes électromagnétiques s’y déplacent, et l’on ne peut compter que sur les ondes acoustiques. Cette difficulté complique les opérations de cartographie.
On connait d’ailleurs si mal ce qui se cache à des kilomètres de profondeur — l’océan est abyssal par endroits — qu’il y a parfois des accidents de sous-marin. Au-delà de la tragédie que rencontrent les occupants du submersible Titan, introuvable malgré d’importants moyens de recherche déployés, l’histoire de la marine regorge de récits de collisions avec des monts non identifiés.
Un exemple récent a eu lieu en octobre 2021, lorsque le sous-marin nucléaire d’attaque américain USS Connecticut a heurté un « objet non identifié » en mer de Chine méridionale. On a appris ultérieurement qu’il s’agissait d’un mont sous-marin non cartographié. D’autres incidents ont aussi été révélés en 2008 et 2005, avec d’autres sous-marins de guerre.
Plus de personnes sur la Lune qu’au fond des océans
Pour la NOAA, le fait est que « nous en savons moins sur le fond des océans que sur la surface de la Lune et de Mars ».
Une comparaison frappante illustre cette réalité. Trois personnes seulement sont descendues au point sous-marin le plus bas connu : Challenger Deep. Deux en 1960 (le Suisse Jacques Piccard et l’Américain Don Walsh) et un en 2012 (l’Américain James Cameron, cinéaste bien connu pour avoir réalisé le Titanic en 1998).
À titre de comparaison, plusieurs centaines de personnes ont déjà franchi l’altitude des 100 kilomètres (la ligne de Kármán), un seuil symbolique qui marque l’entrée dans l’espace. On a également envoyé douze personnes sur la Lune, à plus de 384 000 kilomètres de la Terre. En comparaison, le point le plus bas de l’océan que l’on connaît se trouve à… 10,3 kilomètres.
L’espace est évidemment un milieu extrêmement hostile : absence d’oxygène, froid intense, radiations, absence de pression. Mais au fond de l’eau, ce n’est pas non plus un environnement très accueillant : il y fait également très froid. La lumière du Soleil ne peut traverser une telle couche d’eau. On ne peut pas non plus respirer sans un dispositif. Et la pression est colossale.
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