La sécheresse actuelle en France ? Elle serait bidon, selon certains internautes. Les alertes à la canicule à certains endroits du territoire français ? Une « arnaque » du gouvernement. Sur X, le nouveau nom de Twitter, en ce mois de juillet 2023, plusieurs hashtags véhiculant de la désinformation à propos du changement climatique sont dans les top tendances du réseau social : #secheressemoncul, et #caniculemoncul.
Selon les participants aux hashtags, le réchauffement climatique et la sécheresse actuelle en Europe ne seraient pas réels. Des centaines de messages expliquent, photos et vidéos à l’appui, que ce que les experts décrivent comme une sécheresse historique serait « asymptomatique ».
Les participants utilisent deux arguments : il n’y aurait pas de sécheresse en France, ni de canicule, notamment à cause des pluies et des températures froides mesurées ces derniers jours dans certaines villes. L’autre argument qu’ils utilisent est que les cartes météorologiques seraient mensongères, et artificiellement rougies afin de provoquer de l’angoisse chez les spectateurs. Malgré la popularité du hashtag et des milliers de commentaires allant dans ce sens, tous ces arguments sont faux : la sécheresse est bel et bien là, et le changement climatique d’origine humaine est un consensus scientifique (et l’urgence est indéniable).
Des cartes utilisant des couleurs de plus en plus rouges ? Non
Numerama a repéré de très nombreux messages montrant des cartes météorologiques qui seraient artificiellement rougies afin de paraître plus alarmantes. À chaque fois, le message est le même : les températures n’auraient pas changé, mais ce sont les cartes des prévisions météo qui seraient représentées de manière de plus en plus rouge. Plusieurs exemples sont utilisés : deux cartes utilisées en Allemagne, mais aussi des cartes françaises.
Cela ne prouve en rien que le réchauffement climatique n’existe pas. L’AFP est revenue sur les cartes météorologiques allemandes dans un article de fact checking publié en juillet 2022. Les cartes, qui proviennent de l’émission « Tagesschau », n’ont pas été manipulées. L’AFP indique que l’émission « dispose de deux formats de carte pour afficher la météo : l’un qui utilise des nuances de rouge et se concentre uniquement sur la température, et l’autre qui utilise du vert et est une prévision générale ».
La carte verte présente dans le tweet n’avait donc pas pour but de montrer la température. De plus, l’AFP a retrouvé d’autres cartes, antérieures à celle de 2022, montrant des couleurs similairement rouges, notamment une diffusée en 2010.
D’autres cartes circulent avec le hashtag. Celles ci-dessous, représentant la France, sont également trompeuses. Selon le tweet, la première est censée être datée de 2002, et la deuxième aurait été diffusée sur RMC en 2022. Il s’agit cependant d’images manipulées, que France Info a débunkées en 2022.
Le média explique ainsi que la première carte a été manipulée : elle ne date pas de 2002, mais de 2019. « Il s’agit en fait des prévisions pour la journée du vendredi 28 juin 2019, diffusées la veille sur TF1 », écrit France Info. Ensuite, il ne s’agit pas des mêmes chaînes : la première carte vient de TF1, tandis que la deuxième a été diffusée par RMC. Or, les chartes graphiques des deux chaînes ne sont pas les mêmes, et comparer les cartes issues de deux bulletins météo différents n’est pas pertinent.
Enfin, Météo France, interrogée par France Info, notait que les échelles de couleurs sur les cartes dépendaient des saisons et des moyennes saisonnières : plus une température est différente des normales saisonnières, plus celle-ci sera soulignée sur la carte. « En été, on aura du blanc à 25°C alors qu’en hiver on aura du rouge pour la même température », expliquait ainsi le prévisionniste Ludovic Lagrange.
Des pluies en pleine sécheresse ? Incomplet
Le deuxième argument fallacieux utilisé pour discréditer la sécheresse actuelle est beaucoup plus terre à terre. Les internautes expliquent que, chez eux, il a beaucoup plu, comme cet utilisateur de Twitter qui montre, photo à l’appui, que son « récupérateur d’eau de pluie de 85 litres » est « plein », malgré une « sécheresse asymptomatique ».
D’autres encore ont publié des photos de cours d’eau bien remplis, ou de leur jardin sous la pluie, et un internaute a quant à lui indiqué que la sécheresse ne pouvait pas avoir lieu, car « de l’orage est annoncé », et qu’il n’aurait pas eu très chaud pendant la journée. Pourtant, ces photos ne sont pas indicatives : ce n’est pas parce qu’il pleut pendant quelques jours quelque part qu’il n’y a pas de sécheresse.
C’est ce qu’expliquaient sur Twitter le spécialiste des fake news Defakator et le docteur en agrométéorologie Serge Zaka. « Les climatosceptiques jouent sur deux définitions », illustrait-il : la sécheresse agricole, et la sécheresse des nappes phréatiques. La sécheresse agricole « se passe sur les 2 premiers mètres », et elle est très sensible à la pluie. « Dès qu’il se remet à pleuvoir, en général sur quelques semaines en général on remonte sur des niveaux satisfaisants ».
Ce n’est cependant pas la même chose pour la sécheresse des nappes phréatiques, qui contient l’eau la plus importante, car c’est celle destinée à la consommation d’eau potable et à l’irrigation. « C’est pas parce qu’on a une flaque d’eau dans le jardin que la sécheresse des nappes phréatiques s’est arrêtée. Il a plu, mais l’eau n’est pas allée dans les nappes phréatiques. Pourquoi ? Parce que les racines des végétaux l’ont capté avant ». La saison de recharge des nappes phréatiques se fait lorsque les végétaux n’ont pas de feuilles, donc, en hiver. Or, il n’a quasiment pas plu en France en début d’année 2023, lorsque les nappes se remplissent habituellement, mettant à mal une bonne partie des réserves souterraines d’eau.
Ainsi, le niveau des nappes phréatiques en France est très bas. Le Service géologique national indique que « situation demeure peu satisfaisante sur une grande partie du pays ». En effet, « 68 % des niveaux des nappes restent sous les normales mensuelles en juin », et « de nombreux secteurs affichant des niveaux bas à très bas ». La situation est, de plus, en train d’empirer : en mai 2023, 66 % des nappes avaient un niveau sous les normales mensuelles. Plusieurs nappes du sud de la France connaissent même « une situation inédite, avec des niveaux bas à très bas ».
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