Il existe des sortes de « Graal » pour l’énergie de demain. Il y a par exemple la fusion nucléaire, ces fameux soleils artificiels qui pourraient fournir une énergie propre et quasi illimitée, si ces réacteurs parvenaient enfin à être viables en rentabilité énergétique. Mais il y a aussi la supraconductivité.
Ce phénomène concerne des matériaux qui n’opposent aucune résistance électrique. Cela signifie qu’il n’y a pas de pertes. Or, dans les installations conventionnelles actuelles telles que les câbles à haute tension, une grande partie de l’énergie électrique est tout bonnement perdue (10 à 20 %). En raison de matériaux qui opposent — et c’est normal — une résistance électrique.
Un matériau sans résistance électrique aurait, de facto, des implications révolutionnaires pour l’électricité, de son transport à son stockage. Cela baisserait énormément le coût économique et énergétique en bouleversant l’électronique, l’informatique quantique (la circulation des qubits), les câbles d’alimentation, les lignes à haute tension, les antennes et toute l’industrie. Avec une réduction des gaz à effet de serre, causes du changement climatique.
Sauf que la supraconductivité ne se manifeste qu’à des températures basses proches du zéro absolu. Ce qui serait révolutionnaire, ce serait un matériau capable de supraconductivité à température ambiante. Un tel matériau pourrait être mobilisé facilement dans toutes les infrastructures.
Il se trouve justement qu’une « découverte » potentielle secoue actuellement le milieu scientifique. Des chercheurs sud-coréens ont diffusé une étude, en preprint (non publiée dans une revue scientifique, donc non relue par des pairs), dans laquelle ils affirment avoir découvert un matériau supraconducteur à température ambiante. Son nom : LK-99. Cette découverte est issue de 20 ans de recherche au Centre des Nanosciences Quantiques de Séoul.
Tout repose sur une modification d’une structure basée sur le plomb et l’apatite. Au sein du plomb, ils ont remplacé une petite portion par des ions de cuivre. Cette méthode abaisse le volume du matériau, ce qui le change structurellement. Cela crée des « puits quantiques supraconducteurs » dans le LK-99.
La limite : les résultats n’ont pas été reproduits et ne sont pas vérifiés
Attention toutefois : peut-on vraiment parler de « découverte » ? Il faut, à ce stade, raison garder. En premier lieu car l’étude ne répond pas encore à un critère fondamental : elle n’est pas publiée dans une revue scientifique, elle n’a pas été relue par des pairs, ce qui signifie que d’autres scientifiques n’ont pas encore analysé les méthodes et résultats de la première équipe. C’est là une étape qui permet de vérifier que des erreurs interprétatives, ou initiales, ne sont pas venues se glisser dans les travaux.
Il y a ensuite la reproductibilité : les résultats doivent pouvoir être réitérés par une autre équipe. En l’occurrence, des scientifiques américains essayent justement de reproduire le matériau, en racontant cette aventure sur Twitter. « Si cette découverte peut être reproduite, les auteurs seront les prochains Einstein ou Bohr. J’espère pouvoir contribuer un tant soit peu à faire avancer l’humanité », écrit Andrew McCalip.
Il faut notamment surveiller que le matériau est bel et bien supraconducteur. Par exemple en observant si l’Effet Meissner s’applique vraiment. C’est là un phénomène qui expulse tout champ magnétique d’un supraconducteur, ce qui repousse les aimants et crée une étrangeté typique de la supraconductivité : une sorte de lévitation du matériau.
Pour certains chercheurs, il serait possible que la découverte sud-coréenne relève en réalité d’un composé seulement « diamagnétique ». C’est ce phénomène qui génère la lévitation et, ici, laisserait penser à un matériau supraconducteur, sans qu’il le soit réellement. Mais cette hypothèse doit être mise à l’épreuve pour véritablement désactiver l’éventualité d’une découverte. D’autres problèmes se posent, même si les espoirs sont bien présents. En tout cas, pour l’instant, cet épisode scientifique reste dans l’incertitude.
Toute cette étape de vérification est cruciale avant d’affirmer, d’emblée, que nous sommes en train de vivre une révolution. Précédemment, d’autres équipes ont clamé avoir découvert le premier matériau supraconducteur valide à température ambiante. C’était le cas en 2020 à l’université du Nevada, lors d’une affaire qui a fait grand bruit dans le domaine. Car ce papier d’alors, publié dans la revue scientifique Nature, a finalement été rétracté, en raison de problèmes fondamentaux dans les données. Cela crée de la méfiance dans ce champ de recherche, qui est cependant très actif. Et pour cause : une réussite, dans les faits, serait déterminante pour l’avenir de l’Humanité.
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