Depuis jeudi dernier, le 24 août, le Japon a lancé un processus de rejet des eaux usées de la centrale nucléaire de Fukushima dans l’océan. Ce, douze ans après le désastre dû à un tsunami, qui avait atteint la centrale, située sur le littoral japonais. Les piscines de refroidissement hors service, cela avait entraîné un dysfonctionnement : la fusion des cœurs de trois réacteurs. Depuis la catastrophe, la centrale est bien sûr hors service, et le démantèlement va prendre des décennies. Les eaux contaminées de Fukushima, dorénavant rejetées dans l’océan Pacifique, proviennent d’une multitude de sources :
- L’eau qui a servi au refroidissement des réacteurs de la centrale ;
- L’eau de pluie qui s’y écoule ;
- Les eaux souterraines locales.
Pourquoi ce rejet ?
Au total, les eaux issues de Fukushima, rassemblées régulièrement dans des conteneurs en acier, pèsent plus de 1,3 million de tonnes — soit 540 piscines olympiques. Le Japon avance qu’il est devenu impossible de stocker autant de barils, et qu’il n’y a tout simplement plus de place. Cette décision a été prise et rendue publique en 2021.
Concrètement, sur l’ensemble des 1,3 million de tonnes d’eau stockées, ce sont progressivement 500 000 litres par jour qui sont rejetées dans l’océan, à travers un pipeline d’un kilomètre de long.
Quels sont les arguments du Japon et de TEPCO ?
Pour rassurer, le Japon et la société gestionnaire de la centrale ont apporté un certain nombre d’éléments selon lesquels les niveaux de radioactivité ne seraient pas nocifs.
Ainsi, dimanche 27 août, le ministre japonais de l’Environnement a affirmé que les eaux déversées dans l’océan n’émettaient pas, ou plus de radioactivité. L’eau a effectivement été filtrée — ainsi que diluée — pour en retirer la plupart des éléments radioactifs. Ainsi, des éléments comme le strontium ou le caesium ont pu être éliminés.
Il reste cependant du tritium : celui-ci peut très difficilement être filtré, car il est, par nature, attaché à l’eau. À hautes doses, il est extrêmement dangereux, mais pas à toute petite dose. Selon l’entreprise qui tient la centrale, TEPCO, les niveaux de radioactivité seraient tombés à 1 500 Bq/L (becquerels par litre). À titre comparatif, l’Organisation mondiale de la Santé a fixé une « valeur guide » de 10 000 Bq/L pour le tritium dans l’eau de boisson. En Europe, et donc aussi en France, le seuil est de 100 Bq/L.
Pour rassurer les pêcheurs, l’agence nationale de la pêche au Japon a indiqué que les poissons vivant dans les eaux proches de Fukushima n’ont pas été contaminés au tritium. Ces éléments sont toutefois loin de faire l’unanimité. La dangerosité de la stratégie est mise en avant par plusieurs pays et organisations.
Cette décision fait-elle l’unanimité ?
Certes, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ne s’y est pas opposée. Selon leur rapport sur le sujet, dont les conclusions ont été rendues publiques durant l’été 2023, les rejets restent « conformes » aux normes de sécurité et évoquent un « impact radiologique négligeable » sur les populations et l’environnement.
Il y a cependant des dissensions sur cette stratégie choisie par le Japon. Greenpeace, par exemple, « condamne » fermement cette décision depuis 2021. L’organisation évoque notamment la présence d’éléments radioactifs dangereux, qui passeraient au travers des filtres, car plus difficiles à détecter. Et pas seulement le tritium, sur lequel tout le focus a été porté : « Les scientifiques ont averti que les risques radiologiques liés aux rejets n’ont pas été pleinement évalués et que les impacts biologiques du tritium, du carbone 14, du strontium 90 et de l’iode 129, qui seront libérés dans les rejets, ont été ignorés. »
L’organisation fait ici référence à la National Association of Marine Laboratories, qui rassemble des scientifiques du monde marin, et qui s’est exprimée en défaveur du projet. « Nous demandons instamment au gouvernement japonais de ne pas poursuivre son projet de rejet d’eau contaminée par la radioactivité dans l’océan Pacifique, qui constitue un précédent, et de collaborer avec l’ensemble de la communauté scientifique pour trouver d’autres solutions permettant de protéger la vie marine, la santé humaine et les communautés qui dépendent des ressources marines précieuses sur les plans écologique, économique et culturel. » Qui plus est, Greenpeace estime que le Japon et TEPCO n’ont pas conduit une étude d’impact environnemental complète.
Les pays voisins ont aussi fait part d’inquiétude, voire ont pris des actions. La Chine a, par exemple, banni les importations de fruits de mer provenant du Japon.
Le Forum des îles du Pacifique, qui regroupe les pays indépendants de l’Océanie, avec la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, a alerté dès le début d’année. Le Secrétaire général, Henry Puna, a publié une tribune dans The Guardian, en janvier 2023 : « Compte tenu de notre expérience en matière de contamination nucléaire, il est tout simplement inconcevable de poursuivre les plans de déversement dans l’océan », estimait-il.
En Corée, il y a également eu des manifestations — plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées dans les rues de Séoul, notamment, pour demander à ce que le gouvernement coréen prenne des mesures contre cette stratégie japonaise.
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