Cette équipe d’astrophysiciens n’avait pas prévu de tomber sur un « fossile » issu des débuts de l’Univers. Lors d’un projet de cartographie du cosmos, l’astrophysicien Daniel Pomarède et ses coéquipiers découvrent une sorte de titanesque « bulle » de galaxies — baptisée Ho’oleilana — issue d’une époque lointaine. Elle a figé dans le temps de précieux éléments sur les débuts du cosmos. Alors, pour comprendre cette découverte, publiée le 5 septembre 2023, il nous faut remonter le temps de plusieurs milliards d’années.
Durant cette jeunesse, quelques centaines de milliers d’années après le Big Bang, l’Univers primordial n’est pas encore « transparent », mais dans un état de plasma — un état dense et chaud de la matière. Une lutte s’y joue entre la force de la gravitation et la pression du plasma. Celle-ci provoque des variations dans la densité même de la matière : il y a des zones à la densité très élevée, et des zones à la densité très basse (imaginez un four où vous avez placé des cookies très farinés et d’autres moins farinés). La lutte entre ces deux densités provoque un écoulement de la matière sous-dense vers la matière sur-dense : ce sont des « nœuds » dans la toile cosmique.
Au sein de ces nœuds, on trouvait alors de véritables pics de densité. Ce phénomène déterminant, c’est l’accrétion : la matière s’agglomère (vous mélangez les pâtes de cinq cookies pour en faire finalement un seul, très gros). « La matière s’est accrétée, des structures ont commencé à se former avec des amas de galaxie, qui contiennent des galaxies, puis des planètes. Tout vient de l’accrétion », nous explique Daniel Pomarède.
Ondes sonores figées dans le temps
Mais, de quoi la « bulle » Ho’oleilana est-elle exactement le fossile ? Elle est justement le résultat d’un empilement de vagues — d’ondes — agrégées depuis différents points via cette accrétion. D’où la notion de bulle : tout s’est condensé en une région, qui a ensuite enflé avec l’expansion de l’Univers. Et, c’est la première fois que ces ondes, issues des débuts de l’Univers, peuvent être observées.
Les physiciens ont prédit depuis longtemps qu’on devait trouver, à l’époque du plasma primordial, des BAO : des oscillations acoustiques baryoniques. Traduction : des ondes sonores, qui se déplacent dans la matière ordinaire. Ces ondes provenaient de la lutte de densité. « Ces ondes pouvaient être initiées de partout, mais notamment aux endroits où la densité était plus forte », nous explique Daniel Pomarède. Petite densité de matière : petite onde. Grande densité de matière : grande onde. « Là où le phénomène avait le plus d’amplitude, c’était dans les nœuds de la toile cosmique, là où la matière coulait vers les régions de plus haute densité de l’Univers. » Les pics de densité à l’origine de la formation des amas de galaxie étaient aussi synonymes de pics de BAO.
Or, 380 000 ans après le Big Bang, « le plasma a refroidi en raison de l’expansion de l’Univers », indique Daniel Pomarède. « À un moment donné, on est passé à une température critique à laquelle, pour les électrons et les protons, il est devenu intéressant de se combiner et de former les premiers atomes. » Cette énergie qui lie les particules est devenue plus forte que l’énergie du plasma. De fait, « la matière gagne », la lumière est libérée et « le plasma disparaît ».
« L’Univers devient essentiellement du vide. Le phénomène des BAO s’interrompt. Ces ondes acoustiques sont gelées. » La notion de fossile pour désigner la bulle Ho’oleilana fait justement allusion « au fait qu’il y a eu une sorte de gel », illustre Daniel Pomarède. « Des structures étaient en train d’évoluer, subitement il y a eu une transition, l’évolution a été figée. Comme le fossile d’une ammonite en archéologie : elle était vivante, elle s’est figée, et longtemps après un chercheur peut trouver ce fossile. »
Un tel fossile contient de précieuses informations à analyser : il fait office de « témoin de l’Univers jeune », estime Daniel Pomarède. Pendant longtemps, la notion de BAO était abstraite. « Là, cela devient concret », relève-t-il. C’est d’autant plus intéressant que Daniel Pomarède et son équipe ont mesuré la constante de Hubble, c’est-à-dire la valeur de l’expansion de l’Univers, au sein de cette bulle. Cette mesure est cohérente avec les mesures faites dans l’Univers local, mais pas dans l’Univers lointain. Cela vient accroître le problème de l’écart des mesures, déjà connu, et ainsi donner du grain à moudre aux cosmologistes pour l’énigme de l’expansion.
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