Dans des plaines désertiques, une quinzaine de personnes avancent péniblement, tous chargés de matériel étrange. Ce sont des scientifiques venus des États-Unis, d’Italie ou d’Allemagne. Tous sont réunis en Islande pendant deux semaines, plus précisément dans le Holuhraun. Derrière ce nom que l’on croirait tout droit sorti d’une œuvre de Tolkien se cache un désert de lave, situé dans la partie est de l’île, et particulièrement isolé.
« Si nous sommes là, c’est parce que l’Islande est un des endroits sur Terre qui ressemble le plus à Vénus, raconte une des participantes, Solmaz Adeli, géologue à l’institut de science planétaire DLR de Berlin. Nous avons donc pu essayer la réplique de l’instrument spectral qui ira à bord de la sonde VERITAS. »
VERITAS, pour « Venus Emissivity, Radio Science, InSAR, Topography and Spectroscopy ». Cette mission particulièrement ambitieuse de la Nasa, planifiée pour 2031, doit partir à la rencontre de Vénus. La sonde, dotée d’un spectromètre et d’un radar, doit aider à construire une carte de Vénus et à comprendre comment cette planète, si semblable à la Terre, a évolué d’une façon complètement différente. Il s’agira aussi de savoir si de l’eau y a été présente dans le passé, voire, s’il y en a encore aujourd’hui.
La Vénus nordique
Mais, Vénus est encore loin. En revanche, l’Islande est plus accessible. L’île volcanique dispose de paysages parfaits pour se préparer avant le grand départ vers une autre planète. « C’est une expédition que nous avons commencé à préparer il y a près de deux ans, se rappelle Solmaz Adeli. En plus de l’aspect logistique, il a fallu repérer les sites les plus intéressants du point de vue scientifique, ce qui représente une grosse organisation. »
« L’Islande est extrêmement riche du point de vue géologique, ajoute la responsable de la mission, et une des cheffes de l’expédition, Suzanne Smrekar. Nous y trouvons des panaches, des remontées de roches volcaniques, qui ressemblent beaucoup à ce qui existe sur Vénus. »
Si l’équipe s’est rendue sur place, ce n’est pas juste pour s’inspirer des paysages et jouer à être sur une autre planète. Les scientifiques ont profité de ce terrain analogue à la destination pour essayer les instruments en conditions réelles. « Nous avons analysé la texture de la lave, précise Solmaz Adeli. À la fois, depuis le sol et depuis un avion qui faisait des mesures radars. Le but étant d’avoir l’image la plus précise possible à la fin. » Ainsi, une fois que ce même radar sera à des dizaines de millions de kilomètres de la Terre, les scientifiques qui recevront les images auront une idée plus fine de ce à quoi elles correspondent dans la réalité. Cet apprentissage en Islande leur sert à comprendre comment leur instrument verra le sol d’une autre planète. De même, des relevés de données GPS aident à connaître la précision exacte des instruments et donc, comment interpréter la fiabilité des données reçues.
Ce qui fait de l’Islande la destination idéale pour ce type d’expédition, ce ne sont pas seulement ses champs de roche volcanique, mais également le fait que cette lave est récente. « Sur le Holuhraun, détaille Suzanne Smrekar, il y a eu des éruptions en 2021, en 2022, et même cette année ! C’est donc une lave très récente où la végétation n’a pas encore eu le temps de se développer. C’est très important, car le radar y est très sensible, et c’est le genre de choses qu’on ne trouvera pas sur Vénus ! »
À la découverte d’une planète encore active
Cette roche stérile vue par le spectromètre VEM, qui ira un jour à bord de VERITAS, est donc censée ressembler à ce qui recouvre la surface de Vénus, et ces simulations de terrain donnent un bon aperçu. S’il faut être le plus précis possible, c’est aussi parce que le but de VERITAS sera de voir les modifications de terrain sur une Vénus encore active.
« Nous avons de très forts indices qui nous prouvent qu’il y a encore une activité volcanique sur Vénus, résume Suzanne Smrekar. Les images de Magella, sonde lancée vers Vénus en 1989, sont prises à quelques mois d’intervalle et on voit de subtiles différences. VERITAS devra confirmer l’existence de cette dynamique. »
En attendant cette analyse, les scientifiques présents en Islande ont encore de nombreuses données à traiter. « Nous ne sommes qu’au début de notre travail, assure Solmaz Adeli. Nous allons passer un ou deux ans sur ces questions, et les données récoltées nous aident à construire de futurs modèles. C’est important d’aller sur le terrain, car il y a des choses que nous ne savons pas. Par exemple, est-ce que la lave de Vénus est lisse ou rugueuse ? Il faut des informations réelles pour déterminer ce genre de choses. »
« Nous espérons qu’il y aura d’autres expéditions similaires, ajoute Suzanne Smrekar. Par exemple, l’ouest des Etats-Unis possède un environnement également très désertique avec peu de végétation, il peut y avoir des informations importantes à prendre. Et puis, en tant que scientifique, c’est très différent de ce que nous faisons d’habitude, et c’est très enrichissant ! »
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