Les architectes du futur qualifieront-ils notre ère comme celle de la civilisation du plastique ? L’hypothèse n’est pas totalement absurde étant donné la place prise par cette matière dans nos modes de vie. Pour la seule année 2022, l’humanité a produit quelque 400 millions de tonnes de plastiques, d’après la revue Nature. Depuis 1950, on estime que 8,3 milliards de tonnes de plastiques ont été produits, d’après une étude de la revue américaine Sciences Advances.
Cette matière miracle, issue à 90 % des hydrocarbures fossiles, est désormais utilisée dans absolument tous les secteurs d’activité. « La société de consommation n’aurait jamais pu exister sans plastique. C’est une matière peu chère, transformable à l’envi. C’est un des socles de nos économies modernes », nous confirme Nelly Pons, autrice de plusieurs ouvrages sur l’environnement, notamment Océan plastique, enquête sur une pollution globale parue en 2020.
Or, de tous les matériaux à notre disposition, le plastique est le seul qui persiste des millénaires dans la nature. Résultats : nous croulons littéralement sous les déchets plastiques, mettant en péril notre santé et la biodiversité. Parmi ces déchets, près de la moitié terminent dans des décharges, 20 % sont incinérés et seulement 9 % sont recyclés aujourd’hui dans le monde.
Les 20 % restants ? Ils finissent dans la nature d’après les chiffres rapportés par le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE). « Lorsque j’ai commencé mon enquête en 2016, on avait l’image d’un continent de plastiques qui flottait à la surface des océans, or en réalité, on sait depuis finalement peu de temps que seulement 1 % des déchets restent en surface, les 99 autres pourcents se sont décomposés en micro-déchets et finissent au fond des océans », précise Nelly Pons.
Repenser la préciosité de la matière
Et la tendance n’est pas près de s’inverser. Les projections parlent d’un doublement de notre consommation de plastique d’ici à 2050. D’ici à la fin du siècle, si nous ne changeons rien, notre consommation de plastique pourrait même avoir quadruplé, d’après le Centre pour le droit international de l’environnement.
Avec la diminution anticipée d’ici à 2040 de l’usage du pétrole comme carburant au profit des énergies renouvelables, les principales firmes de l’industrie pétrolière (Chevron, Total, Exxon Mobil ou BP) comptent d’ailleurs sur la pétrochimie pour générer de nouveaux bénéfices.
Face à ce constat quelque peu déprimant, que faire ? « L’urgence, c’est de monter en compétences collectivement », avance Nelly Pons. Comprendre le problème avant de s’y attaquer, en somme. Elle cite l’exemple du recyclage : « le gouvernement français a promis que 100 % de nos plastiques seraient recyclés d’ici 2050, or, même les industriels du plastique le disent : c’est impossible. Il faut le dire et le répéter : on ne peut pas fabriquer de plastique à 100% à partir de plastique recyclé, il faut chaque fois de la matière nouvelle ».
Ce qui lui semble primordial en amont, c’est de repenser notre rapport à la matière. “On doit remettre en cause le jetable. Lorsque j’achète mon pain au chocolat à la boulangerie, on me le tend dans un petit sac que je jette aussitôt : sa durée de vie aura été de quelques secondes, c’est dingue quand on y pense !”, détaille-t-elle. Et pour cause, 81% des produits fabriqués en plastique finissent en déchet en moins d’un an, précise l’OCDE. “L’urgence doit nous pousser à repenser nos pratiques, à repenser la préciosité de la matière”, précise Nelly Pons, et d’ajouter : “On doit sortir des réponses simples, du techno-solutionnisme souvent mis en avant, on doit embrasser la complexité du monde”
Ce n’est qu’à ce prix-là que nous pourrons espérer sortir de notre dépendance au plastique. « Les lobbys du plastique voudraient nous faire croire que c’est un sujet qui concerne uniquement les citoyens : comme si on mettait le papier dans la bonne poubelle, cela allait régler le problème : c’est faux ».
L’action pour moteur
Face à l’ampleur de la tâche, comment ne pas baisser les bras d’avance ? Nelly Pons nous invite à nous tourner vers des exemples passés de réactions globales et coordonnées face à une menace planétaire. Et de citer le trou dans la couche d’ozone, découvert en 1985. « Résultats : des États ont réussi à se mettre autour d’une table pour trouver des solutions : en l’occurrence interdire les gaz CFC, responsables des dégâts dans la couche d’ozone ». La revue Nature nous apprenait d’ailleurs récemment que cette interdiction avait également permis de limiter le réchauffement climatique de 2,5°C.
« Personnellement, l’action me permet de lutter contre l’anxiété et le désespoir. J’écris des livres, témoignent, rapportent la parole des scientifiques. Je ne résoudrai pas les problèmes de l’humanité avec mes petits bras, mais je fais ma part. À mon échelle », confie l’autrice.
Depuis mars 2022, les dirigeants politiques et ministres de l’environnement de toute la planète se sont engagés dans des négociations visant à signer un traité international contre la pollution plastique juridiquement contraignant. L’espoir d’une prise de conscience globale ?
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