Mona Lisa est pleine de mystères, et certains d’entre eux relèvent de sa chimie même. Ce tableau de Léonard de Vinci — La Joconde — est le plus célèbre de la Renaissance italienne. Les techniques et les matériaux mobilisés par De Vinci reste un sujet de recherche scientifique et historique : 500 ans plus tard, les chercheurs n’ont pas encore fait toute la lumière sur ses méthodes picturales.
L’étude publiée ce mercredi 11 octobre 2023 est une petite révolution. Une équipe pilotée par le CNRS s’est plongée — chimiquement — dans la Joconde. Pour ce faire, ils ont analysé un micro-échantillon (qualifié d’« exceptionnel » par les auteurs) issu de la sous-couche du tableau, c’est-à-dire la première couche de peinture qu’il a appliqué, en guise de préparation.
Ils y sont parvenus en mobilisant le Synchrotron européen de Grenoble. Le rayonnement synchrotron produit des rayons X jusque 10 000 milliards de fois plus brillants que les rayons X habituellement utilisés à l’hôpital. Le Synchrotron de Grenoble fonctionne ainsi comme un « super microscope, qui ‘filme’ la position et le mouvement des atomes et révèle ainsi la structure de la matière dans toute sa complexité et toute sa beauté », indique le site de l’installation.
De fait, grâce à cet échantillon et à cet équipement sophistiqué, les scientifiques ont pu étudier à l’échelle microscopique la technique de Léonard de Vinci pour peindre Mona Lisa. Que révèle cette enquête à cheval entre l’art et la science ?
Un mélange « très différent » de ceux de l’époque
L’analyse a révélé la présence d’un « mélange singulier d’huiles fortement saponifiées à haute teneur en plomb, et d’un pigment blanc de plomb appauvri en cérusite ». Traduction, c’est un mélange « très différent en composition de ceux habituellement observés dans les peintures à l’huile de cette époque », explique le CNRS.
La signature « la plus remarquable » de cet échantillon reste la présence de plumbonacrite, un composé rare, stable seulement dans certains types d’environnements chimiques (alcalins, notamment, donc au pH supérieur à 7). Léonard de Vinci a « probablement cherché à préparer une peinture épaisse convenant pour recouvrir le panneau de bois de la Joconde en traitant l’huile avec une forte charge d’oxyde de plomb II », détaille l’étude. La plumbonacrite a aussi été retrouvée dans un échantillon de La Cène, autre œuvre majeure.
Les manuscrits du peintre donnaient déjà des informations sur l’usage de ces composés, mais de façon « ambigüe » : leur détection chimique apporte une confirmation déterminante. Et la volonté de Léonard de Vinci d’expérimenter se fait encore plus évidente qu’avant. « (…) L’examen scientifique récent de son corpus de peinture a révélé que son célèbre goût pour l’expérimentation était remarquablement présent dans la pratique de son métier : le montage de chacune de ses peintures est différent, de même que les matériaux utilisés », rappelle l’étude.
Ce n’est pas la première fois, ces derniers mois, que la composition chimique de la Joconde se dévoile un peu plus. Des travaux publiés en mars 2023 ont montré que les tableaux des grands maîtres de la Renaissance — Léonard de Vinci, Rembrandt, Vermeer — utilisaient des protéines issues de jaune d’œuf.
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