« Quand je rentre chez moi, je prends directement une douche et me change pour une tenue d’intérieur. Je ne m’assieds jamais sur mon lit ou mes chaises, vêtu de mes vêtements d’extérieur », explique Vincent* (prénom modifié pour préserver l’anonymat), Parisien de 28 ans. Et ce n’est pas la seule précaution que l’architecte d’intérieur a intégrée à son quotidien depuis septembre, lorsqu’ont commencé à se multiplier les articles des médias sur les infestations de punaises de lit.
Le jeune homme lave désormais ses vêtements à 60 degrés, reste debout et à distance des autres usagers dans les transports, préfère la marche ou le vélo pour dit-il « limiter les risques », et a même effectué un lavage complet de son matelas à la machine à injection-extraction. Il pense en refaire un dans quelques jours. « Cela ne suffit pas à calmer mes angoisses », confesse-t-il.
Alors que Vincent n’a jamais été infesté par ces bêtes brunes de quelques centimètres, la peur d’être en contact avec ces nuisibles l’a poussé à modifier son comportement au quotidien. Pourtant, les risques de se retrouver contaminé dans les transports sont très faibles. Si le gouvernement conseille effectivement de prendre quelques précautions pour éviter les punaises, comme vérifier ses bagages au retour d’un voyage, ou laver les vêtements d’occasion à haute température après achat, rien ne sert de tomber dans la psychose.
« Dès lors que ça commence à te faire souffrir et que ça te handicape toi ou tes proches, on rentre dans quelque chose de plus pathologique », explique Bérénice Lefebvre, psychologue, interrogée par Numerama. La crise des punaises de lit peut entrainer des pics d’anxiété chez certaines personnes, générant des signaux et sensations physiologiques désagréables, comme le cœur qui bat plus vite, ou l’impression d’avoir des parasites qui grouillent sur nous après être sortis du métro. Pour la professionnelle de santé, c’est d’ailleurs assez commun, sans que ce soit le signe d’une maladie mentale pour autant. C’est la souffrance qui y est liée qui doit alerter.
Une vie sociale sacrifiée
Des angoisses trop importantes liées aux punaises de lit peuvent mener à un repli sur soi et à l’isolement. Cette situation, Kelya, 23 ans, la connait bien puisque la jeune femme qui vit en région parisienne, a drastiquement réduit sa vie sociale depuis quelques semaines. Cette amatrice de cinéma, qui envisageait même de prendre un pass illimité, ne met plus les pieds dans les salles sombres. Même chose pour les boîtes de nuit et les bars. « Je ne veux plus m’asseoir collée aux gens, je ne le supporte plus. Ça a tout changé, parce que j’étais quelqu’un qui voyait mes amis et qui sortait. Maintenant, ce sera travail-maison, maison-travail, éventuellement faire les courses aux horaires où il y a moins de monde », explique la jeune femme, la boule au ventre.
Si elle est consciente que cela peut être vu comme extrême, Kelya a quand même tenu à adopter toutes ces mesures, pour se rassurer. « Il y a des choses que je ne peux plus faire, je ne sais pas si ce sera définitif, mais je préfère me restreindre parce que ça m’angoisse beaucoup. Dès que je sors de chez moi, je me dis que je ne suis plus en sécurité », reconnait-elle. Celle qui se dit « rongée de l’intérieur » a même pensé à démissionner de son emploi dans la vente, pour ne plus avoir à sortir de chez elle. Pour le moment, la Francilienne n’a pas trouvé de moyens de faire diminuer son stress, hormis d’en parler avec ses proches : sa famille, ses colocataires, et même ses responsables au travail.
Des conséquences sur le long terme
La psychologue Bérénice Lefebvre cite plusieurs soucis que l’on peut retrouver chez les personnes inquiètes, comme les troubles du sommeil, avec « des gens qui ne veulent pas dormir et vont se créer des insomnies », ce qui peut alimenter un terrain dépressif ou anxieux. L’isolement social parfois généré par une infestation, peut lui aussi participer au déclenchement d’une dépression. Il existe également un risque de développer des troubles obsessionnels compulsifs.
Si Gaëtan, habitant de Montreuil, n’estime pas avoir été traumatisé par l’infestation de punaises auquel il a été confronté dans la maison familiale entre 2017 et 2019, il en conserve tout de même des séquelles : « La marque la plus importante, c’est le sommeil, longtemps après l’infestation, j’ai gardé de grandes angoisses liées au fait de m’endormir ». L’artiste de 23 ans avait déjà un terrain insomniaque, avant de découvrir, aux côtés de son père et de son petit frère, qu’il se faisait mordre par ces parasites toutes les nuits. Son manque de sommeil s’est alors accentué. « Tu arrêtes de dormir, quand tu te mets à associer que dormir, c’est se faire mordre, et tu essayes de rentrer le plus tard possible chez toi », se rappelle-t-il. Gaëtan dit même avoir eu honte de sa maison et finir par se poser des questions sur sa responsabilité dans cette infestation et l’hygiène de vie de sa famille. Désormais, ce Montreuillois s’attache à faire de la prévention sur les punaises de lit.
Des pistes pour diminuer le stress
Face à cette inquiétude généralisée, Bérénice Lefebvre rappelle qu’il existe des moyens de faire diminuer l’anxiété. La spécialiste a même publié une vidéo sur son compte Instagram pour tenter d’aider ses abonnés, après que plusieurs d’entre eux l’ont contacté par message, terrorisés par les fameuses punaises.
« Le premier conseil, c’est de se dire que c’est normal d’être angoissé, car tout le monde en parle. Il faut déculpabiliser les gens », explique la psychologue. Regarder des vidéos sur les punaises de lit en boucle n’est pas non plus une bonne idée, chaque nouveau visionnage déclenchant du stress. Pour les personnes qui tendent à vérifier leurs vêtements, literie ou sièges dans les transports, le faire à répétition risque de se transformer en cercle vicieux : « Ton cerveau associe le doute avec la stratégie de vérification et il ne répond plus que par ça », analyse Bérénice Lefebvre. Il vaut mieux alors réduire l’anxiété sur le long terme avec des exercices de respiration ou de médiation, et en déchargeant ses angoisses à l’écrit par exemple. Et se rappeler qu’il existe tout de même des solutions pour s’en débarrasser efficacement.
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