SpaceX s’agace d’un rapport des autorités américaines sur le risque de chute des satellites Starlink. Pour l’entreprise, il est faux de croire que des milliers de fragments bombarderont la Terre et tueront des gens.

Le ciel ne va peut-être pas nous tomber sur la tête, mais des satellites oui. C’est du moins la perspective catastrophique esquissée par l’administration de l’aviation civile aux États-Unis (Federal Aviation Administration) dans un rapport du 22 septembre, et rendu public le 6 octobre. Il traite de l’élimination des satellites lors de leur rentrée dans l’atmosphère.

Or, l’horizon dépeint par la FAA dans son rapport adressé aux parlementaires ne joue pas en faveur de SpaceX. D’ici à 2035, si la croissance importante des grandes constellations se concrétise et que les débris des satellites Starlink résistent à la rentrée atmosphérique, le nombre total de fragments dangereux survivant à de telles rentrées chaque année devrait atteindre 28 000.

Toujours selon cette évaluation, le degré de pertes, c’est-à-dire le nombre de personnes au sol susceptibles d’être blessées ou tuées par ces débris, serait de 0,6 par an. Autrement dit, cela signifie qu’une personne sur la planète — la population mondiale est estimée à 8 milliards en 2023 — serait blessée ou tuée tous les deux ans.

Falcon 9 Starlink SpaceX
SpaceX envoie régulièrement de nouveaux satellites en orbite terrestre basse. // Source : SpaceX

Cette menace pèserait aussi sur l’aviation, mais à un niveau très réduit. L’étude suggère que la probabilité qu’un avion soit touché par un débris suffisamment important pour l’abattre serait de 0,07 % en 2035. C’est encore plus faible que le risque sur un civil se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment, mais un choc occasionnerait d’un coup bien plus de victimes.

La place majeure qu’occupe SpaceX dans ce rapport s’explique en raison de son projet. L’entreprise américaine travaille depuis plusieurs années à la mise en place d’une immense constellation de satellites en orbite terrestre basse. Ce réseau, appelé Starlink, opère à quelques centaines de kilomètres d’altitude. Il doit compter des milliers d’exemplaires dans les années à venir.

En date du mois d’octobre 2023, SpaceX a envoyé plus de 5 200 satellites Starlink depuis 2019. La vision maximaliste de l’entreprise est de se constituer un réseau de 42 000 satellites tout autour du globe pour apporter Internet depuis l’espace. Avec toutefois une contrainte : la durée de vie d’un seul satellite Starlink est pensée pour atteindre cinq ans.

Il y a donc toute une gestation des satellites décommissionnés à avoir. En l’espèce, la stratégie de l’entreprise américaine est de les précipiter dans l’atmosphère, pour qu’ils se consument intégralement — comme ils sont déjà très près de la Terre, c’est une option privilégiée à celle consistant à les mettre sur une orbite de rebut — une solution utilisée pour les satellites de télécommunications.

Pour SpaceX, ce rapport dit n’importe quoi

Or, SpaceX a un profond désaccord sur les analyses de la FAA. « Les satellites Starlink sont conçus pour disparaître lorsqu’ils rentrent dans l’atmosphère terrestre, ce qui signifie qu’ils ne présentent aucun risque pour les personnes ou les biens au sol », peut-on lire sur le site officiel de l’entreprise. Plus de 325 satellites ont été désorbités ainsi.

Alors, pourquoi de telles conclusions de la FAA ? Selon un courrier consulté par Ars Technica, le nœud du problème vient de l’utilisation de données douteuses et datées de l’administration de l’aviation civile américaine. L’autorité s’est fondée sur le travail d’Aerospace Corporation, une organisation à but non lucratif qui gère un centre de recherche et de développement financé par le gouvernement fédéral.

Or, celle-ci est accusée d’avoir mobilisé, pour ses évaluations, une ancienne étude de la Nasa. Vieille de 23 ans, elle est décrite par SpaceX comme aveugle sur deux points jugés pourtant cruciaux : d’abord, les matériaux des satellites à l’époque sont différents que ceux qui sont utilisés aujourd’hui. Ensuite, la « démontabilité » n’est pas du tout intégrée au calcul.

« Aerospace Corporation a fourni à la FAA une analyse déformée qui contient des affirmations grotesques, injustifiées et inexactes concernant le risque que représente l’élimination de Starlink pour les personnes au sol et pour l’aviation », tance SpaceX, qui souligne l’absence de contact entre les deux parties. « Elle a choisi de ne pas le faire », dénonce-t-elle.

Starlink V2 Mini
Une grappe de satellites Starlink. // Source : Starlink

Les critiques, en effet, fusent : il y a eu un déficit de connaissance sur Starlink, une méthodologie déficiente, des oublis d’une importance cruciale et une dépendance excessive à l’égard d’une étude inadaptée et dépassée de la NASA. En somme : ce sont des hypothèses, des conjectures et des études « dépassées » qui n’auraient rien à voir avec la réalité.

Déjà lourdement mise en accusation lors de l’affaire du Boeing 737 Max, avec des témoignages qui avaient accablé la FAA, l’instance se retrouve encore une fois mise en cause. SpaceX reproche à l’administration d’avoir « accepté le rapport sans aucun examen, et [d’avoir] ensuite distribué ces informations incorrectes au Congrès. »

Et l’entreprise, comme pour porter l’estocade, déclare dans sa missive que « le fait que la FAA ait simplement accepté le rapport d’Aerospace sans question ni examen approfondi soulève des inquiétudes quant à la compétence technique de la FAA pour évaluer et réglementer de manière responsable dans ce domaine. »

Jusqu’à présent, aucun rapport ne semble avoir émergé faisant état de débris de satellites Starlink retrouvés au sol, et encore moins de blessés ou de morts à cause d’une chute malheureuse. En fait, c’est plutôt les débris de fusée qui ont causé quelques interrogations. Surtout quand elles ont le mauvais goût d’exploser et de pulvériser le pas de tir.

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