Les constellations de satellites, utiles pour fournir l’accès à un Internet haut-débit, représentent une menace pour l’environnement en raison du nombre de fusées nécessaires pour les déployer. Une étude révèle que le bilan carbone serait près de 100 fois supérieur à ce que réclament les besoins actuels en bande passante.

Un accès à Internet pour tous, tout le temps. Que vous soyez en ville ou au milieu du désert, sur un bateau en pleine mer ou une station en Antarctique. Et ce, sans des kilomètres de câbles reliés à vos habitations ou vos ordinateurs. Tout ça, c’est le rêve vendu par les opérateurs des constellations de satellites. Starlink, OneWeb, Kuiper… Ces constructions encore en cours promettent monts et merveilles, et techniquement, elles ont des arguments de leur côté.

Mais les scientifiques sont nombreux à tirer la sonnette d’alarme à propos des dégâts qu’elles risquent de provoquer ou qu’elles provoquent déjà sur l’environnement. Entre ceux qui dénoncent les traînées nocturnes qui passent devant les télescopes, les radiations qu’émettent ces multiples engins, sans oublier l’explosion du nombre de débris spatiaux… Les griefs sont nombreux.

Jusqu’à 91 fois plus polluant

Une étude publiée sur le serveur ouvert ArXiv, et signée par des chercheurs britanniques et américains, s’intéresse plus spécifiquement à un point : à quel point les fusées nécessaires à l’installation de tous ces équipements polluent ? La réponse n’est pas si simple, car la pollution causée par une fusée est assez insignifiante comparée, par exemple, au monde de l’aviation. Il y a en effet beaucoup moins de décollages de fusées que d’avion. Mais si le nombre de satellites prévus dans les constellations doit être élevé, il faudra beaucoup de fusées, alors la question se pose ! « Notre analyse s’intéresse à ces engins sur toute leur durée de vie, précise à Numerama un des auteurs, Edward Oughton, de la George Mason University. Nous prenons en compte tous les satellites de la première phase de ces constellations, de leur lancement jusqu’à la fin de leur fonctionnement. »

Starlink V2 Mini
Source : Starlink

Les auteurs se sont donc intéressés dans le détail aux types de carburant qu’utilise chaque fusée prévue dans les trois constellations principales, Starlink, OneWeb et Kuiper pour calculer quelle serait la pollution causée. Ils ont ensuite rapporté cela au nombre de clients de ces opérateurs satellites pour aboutir à un niveau d’émissions de dioxyde de carbone par personne. 

Leurs résultats sont les suivants pour les émissions calculées sur cinq ans : entre 0,7 et 3 tonnes pour Kuiper, entre 1,41 et 1,7 pour OneWeb et entre 0,47 et 1,04 pour Starlink. Ce sont des chiffres un peu abscons délivrés comme ça, mais qui représentent des valeurs au moins 30 fois supérieures à la consommation due au réseau Internet actuel. Et jusqu’à 91 fois selon les calculs les plus pessimistes. Les écarts sont importants selon le mode de calcul : « Nous étudions plusieurs scénarios, raconte Edward Oughton. Certains prennent en compte des émissions dont nous ne connaissons pas bien l’impact réel sur l’environnement, comme l’oxyde d’aluminium ou le carbone suie, qui sont parfois exclus des analyses. Nous essayons d’évaluer tous les cas de figure, y compris les plus pessimistes. »

Conséquence : les calculs restent parfois imprécis, tant il y a d’inconnues dans l’équation. Mais en plus, il est difficile de compter exactement combien il y a d’abonnés pour chaque opérateur satellite, et encore moins combien il y en aura dans cinq ou dix ans. Pour cela, les chercheurs se sont contentés des données fournies par les industriels.

10 000 satellites aujourd’hui, et demain ?

Mais dans tous les cas, au milieu de ces nuances et de ces incertitudes, il y a une dimension plus sûre et plus menaçante. Tous ces opérateurs, dont les constellations disposent déjà, réunies, de près de 10 000 satellites, prévoient d’en lancer bien plus dans leurs prochaines phases, ce qui représente une inquiétude réelle pour les niveaux de pollution attendus d’ici quelques années.

Tout ça, uniquement pour avoir Internet . Un objectif qui pourrait sembler dérisoire, au vu des conséquences environnementales, mais tout n’est pas si simple. « L’accès à Internet pour tout le monde est un des ‘Objectifs de développement durable’ conçus par l’ONU, défend Edward Oughton. Il y a de nombreux bénéfices économiques, sociaux et environnementaux pour ces populations, et c’est quelque chose qui vaut la peine de lutter. »

Falcon 9 Starlink SpaceX
Source : SpaceX

Le chercheur ne veut surtout pas que son étude soit perçue comme une attaque contre les constellations de satellites en tant que telles : « Ce qu’elles proposent est quelque chose que nous devons défendre. Mais nous voulons souligner qu’il est important de trouver des alternatives pour limiter les conséquences environnementales négatives des lancements à venir. Pour l’instant, nous parlons de milliers de satellites, mais demain ce sera des dizaines de milliers, et nous devons être prêts. »

Si on considère que fournir Internet au monde entier est un devoir, les constellations de satellites sont incontournables, car les autres méthodes ne sont pas suffisantes. Mais si la deuxième phase est lancée comme prévu, les dégâts sur l’environnement seront considérables tant que des solutions ne sont pas trouvées. Cela pourrait passer par des moteurs de fusées moins polluants, ou des manières de lancer davantage de satellites en un seul lancement, ou encore imaginer des constellations qui ont besoin de moins d’engins pour fonctionner convenablement. Des pistes de réflexion qui ne semblent pas encore être prioritaires chez les opérateurs.

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