Les félicitations sont venues du plus haut responsable de la Nasa, Bill Nelson lui-même. Dans un tweet publié le 18 novembre 2023, l’administrateur de l’agence spatiale américaine a félicité les équipes de SpaceX après le second vol d’essai du Starship, saluant les progrès obtenus depuis le premier tir en avril. Cela, même si toute la seconde partie de la mission a échoué.
Des progrès notables dans le vol du Starship
Il y a évidemment de quoi se réjouir avec le test le plus récent. Le Starship, en effet, a explosé bien plus tard que la première fois. En avril, le vaisseau finissait sa course au bout de quatre minutes de vol. Cette fois, l’engin a été perdu huit minutes après. Surtout, il a connu une fin prématurée après une séparation des deux étages réussie, de toute évidence.
Le Starship est un véhicule composé de deux segments. Il y a d’une part le premier étage, appelé Super Heavy, qui est le lanceur lui-même. C’est lui qui assure la propulsion principale, pour emporter la fusée haut dans l’atmosphère. Et il y a d’autre part le second étage, baptisé comme le lanceur : Starship. Il s’agit du vaisseau spatial à proprement parler.
Bien sûr, cette nouvelle perte après huit minutes de vol n’est pas un succès au regard de ce qui était prévu sur le papier. En théorie, le Starship aurait dû voler pendant 90 minutes. Le Super Heavy aurait dû redescendre vers la Terre, de façon maitrisée, tandis que le Starship aurait fini son périple dans l’océan Pacifique, après un bref passage dans l’espace.
C’est toutefois un progrès en comparaison du vol précédent, signe que toutes les modifications effectuées depuis sur le lanceur comme sur le pas de tir ont payé. La zone de lancement, d’abord, n’a pas été détruite avec l’allumage des moteurs et l’envol. L’engin a également pu décoller normalement et grimper à presque 150 km d’altitude.
Surtout, le Starship a réussi à allumer la totalité des moteurs du Super Heavy (les 33 Raptors) et les deux étages ont pu se séparer correctement. Le Super Heavy a même pu effectuer sa manœuvre aérienne — une sorte de salto pour se remettre en position pour un retour sur Terre. C’est après que les choses ont commencé à se « dégrader », avec deux explosions en conclusion.
Le vol constitue clairement un bond en avant par rapport au tout premier, le 20 avril. Il y a bien sûr des éléments qui ont dysfonctionné. Des plaques du bouclier thermique ont semblé se détacher durant l’ascension du Starship. Par ailleurs, les moteurs du Super Heavy n’ont pas pu tous se rallumer après leur extinction durant l’acrobatie. Des vidéos ont d’ailleurs montré que des explosions se sont produites juste avant l’autodestruction du lanceur.
La progression du 18 novembre est d’ailleurs illustrative de la méthode SpaceX : essayer, casser, améliorer, recommencer. Une approche qui lui réussit plutôt bien jusqu’à présent, au regard de son développement des quinze dernières années. Le Starship a donc droit au même traitement : on expérimente, on regarde ce qui n’a pas marché, on ajuste, et on relance.
On est très loin des pratiques jusqu’à présent observées dans l’espace, à l’image de la Nasa ou d’Arianespace, où l’on préfère préparer une fusée impeccable avant de la lancer. S’il y a eu des essais pour le Space Launch System (SLS) de la Nasa et Ariane 6 d’Arianespace, ils avaient un profil différent de ceux pour le Starship ou pour les modèles précédents.
Tout cela donne à SpaceX de précieuses informations sur le comportement réel de son lanceur et lui permet de valider des étapes avant de pouvoir passer aux suivantes. De fait, il y aura maintenant un prochain vol qui tiendra compte des enseignements de celui-ci, avec l’objectif de corriger la phase d’extinction et de rallumage du Super Heavy et d’autres faiblesses constatées.
Le mystère du prochain vol du Starship
Désormais, la question insoluble est de savoir quand un nouvel essai aura lieu. L’analyse de ce qui s’est passé démarre à peine : amasser les données, les analyser et trouver des solutions, qu’il faudra ensuite appliquer sur la fusée. Même si SpaceX a une production continue d’exemplaires de Starship, cela prend du temps et il y a aussi un facteur sur lequel le groupe n’a pas la main.
Les vols dépendent des autorisations données par l’administration de l’aviation civile aux États-Unis (FAA, pour Federal Aviation Administration). Entre le premier le second essai du Starship, il s’est écoulé sept mois. Un long délai, qui a aussi reflété les dégâts excessifs occasionnés par l’envol du Starship sur son pas de tir, avec des débris projetés à des kilomètres à la ronde.
Rien ne dit que le troisième vol aura aussi lieu dans sept mois, mais une enquête va néanmoins avoir lieu, du fait de la double explosion du Starship le 20 novembre. En outre, il y a également tout ce que l’on n’a pas vu sur les images, et qui a peut-être mal tourné dans la fusée. Le cas échéant, cela nécessitera aussi des ajustements, qui auront potentiellement un impact sur le calendrier.
« Un incident s’est produit lors du lancement du Starship […]. L’anomalie a entraîné la perte du véhicule. Aucun blessé ni dégât matériel n’a été signalé. La FAA supervisera l’enquête sur l’accident menée par SpaceX afin de s’assurer qu’elle respecte son plan d’enquête, approuvé par la FAA, et les autres exigences réglementaires », écrit la FAA.
Ce « désassemblage rapide imprévu », manière polie de parler d’une explosion chez SpaceX, rend pratiquement impossible un autre vol avant 2024. Bien sûr, elle finira par revoler. On peut également être sûr que le Starship finira par être pleinement opérationnel un jour. Le problème, c’est de savoir quand. Et surtout, de savoir si cela peut encore coller avec le calendrier de la Nasa.
Objectif Lune
En théorie, le Starship doit être pleinement qualifié pour le mois de décembre 2025. C’est là que la Nasa en aura besoin, dans le cadre de la mission Artémis III. À ce moment-là, une version spéciale du Starship doit servir pour déposer sur la Lune une équipe d’astronautes. L’engin fera alors la navette entre le sol et la station orbitale lunaire.
Si le Starship a progressé en sept mois, il reste à peine deux ans pour tout boucler. Compte tenu du chemin qu’il reste à parcourir, le calendrier paraît de plus en plus intenable. Un planning difficile, qui était déjà souligné au printemps dernier lorsque SpaceX n’avait pas encore effectué sa première tentative. Artémis III risque fort de connaître un glissement en 2026 ou 2027.
Les soucis de calendrier ne sont pas une première chez SpaceX, ni chez Elon Musk en général. Le Falcon Heavy, par exemple, était censé faire son tout premier vol en 2013. Il a finalement décollé en 2018, cinq ans plus tard. Le fondateur de SpaceX est connu pour ne pas tenir à temps ses promesses. On l’a vu avec la promesse sans cesse décalée de la conduite autonome chez Tesla.
Il reste désormais à savoir si les enjeux du programme Artémis feront mentir ces observations, compte tenu de l’énorme attente de la Nasa, de la Maison-Blanche et de l’Amérique pour le retour des Américains sur la Lune. Les prochains mois vont être scrutés avec attention pour voir comment SpaceX itère sur Starship et, surtout, à quelle vitesse.
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