Lors de votre passage en caisse, votre paiement par carte bancaire cache une consommation d’eau. En effet, cette transaction va être traitée dans un centre de données qui nécessite de l’électricité pour fonctionner et de l’eau pour la produire. Mais pour une transaction en cryptomonnaie Bitcoin, c’est nettement pire : environ 6,2 millions de fois pire. Au total, chaque transaction en Bitcoin de 2021 a coûté en moyenne plus de 16 000 litres d’eau, soit l’équivalent d’une piscine privée. Et cette dépense grandit avec les années. C’est ce qu’a montré Alex de Vries, chercheur à l’Université libre d’Amsterdam (Vrije Universiteit Amsterdam) et fondateur de Digiconomist, un site exposant les conséquences du numérique, dans une étude parue en novembre 2023.
« La consommation d’eau du Bitcoin avait été sous documentée jusqu’alors. La plupart des études s’étaient penchées sur la consommation d’électricité de la cryptomonnaie », décrit Alex de Vies. Cette consommation est d’ailleurs documentée au jour le jour par l’Université de Cambridge et est équivalente à celle d’un pays comme la Pologne. « Mais aujourd’hui, dans le contexte où les pénuries d’eau sont de plus en plus préoccupantes à cause du changement climatique, la question de la consommation d’eau du Bitcoin est devenue plus prégnante », note Alex de Vries.
Une consommation qui croît tous les ans
Plusieurs études se sont donc enquises de la part d’eau utilisée pour faire tourner la cryptomonnaie. Et les chiffres dépassent l’entendement. En 2020, la cryptomonnaie — et ses 100 millions de transactions par an — a nécessité près de 600 Giga litres (GL) (soit 600 000 000 000 litres), une quantité qui a presque triplé en 2021 pour atteindre 1 575 GL. Cette année, le chercheur estime que l’eau consommée sera environ de 2 200 GL. Cela, alors que le monde financier traditionnel et ses 2 000 milliards de paiements dématérialisés annuels ne consomment « que » 1 800 GL d’eau.
Ici, « eau consommée » représente la part d’eau perdue sous forme de vapeur. Ces pertes peuvent se passer en deux étapes :
- Pour produire l’électricité nécessaire à faire tourner les fermes d’ordinateurs qui traitent les transactions de la cryptomonnaie, de l’eau est souvent utilisée pour refroidir les centrales électriques (à gaz ou charbon).
- De même, dans ces centres, les équipements nécessitent d’être refroidis pour éviter la surchauffe, souvent avec de l’eau ici aussi. Pour le second, Alex De Vries a estimé qu’aux États-Unis cela représentait environ 10 à 20 % de l’empreinte.
Pour ces calculs, le chercheur a pu s’appuyer sur une méthodologie déjà éprouvée. Les données sur la consommation électrique du Bitcoin, ce qui a permis au chercheur et d’autres équipes d’estimer l’empreinte carbone du Bitcoin. « Et ici, pour estimer la quantité perdue d’eau, la méthode est la même. Il faut simplement remplacer l’empreinte carbone de la production de l’électricité par sa consommation en eau », explique le chercheur. Concernant la quantité d’eau utile à refroidir les ordinateurs, Alex De Vries s’est appuyé de nouveau sur les travaux de chercheurs. « Une étude s’est intéressée à trouver les caractéristiques les plus optimales pour une ferme d’ordinateurs. Je me suis donc placé dans ces conditions optimales pour chacune des fermes des États-Unis. Donc, dans le pire des cas, les nombres que je présente sont trop optimistes », déclare-t-il.
Le système de validation en cause
Cette gourmandise en électricité, et donc en eau, le Bitcoin la tient à son mode de fonctionnement, basé sur la preuve de travail (Proof-of-Work). Pour valider chacune des transactions, des millions de machines sont en compétition pour résoudre un même puzzle compliqué. Le premier compétiteur à réussir le jeu est récompensé de quelques bitcoins. « Cela se passe à toute heure de la journée, forcément une grande partie de l’électricité est consommée pour cela », prévient le chercheur.
Mais cela n’explique pas tout : alors que le nombre de transactions Bitcoin est relativement stable d’une année sur l’autre, comment expliquer que la consommation augmente autant ? « Cela est principalement lié au prix du Bitcoin. Plus il a de valeur, plus les mineurs peuvent se permettre d’utiliser des ressources. Mais l’implantation géographique des centres joue aussi », détaille Alex De Vries. Or depuis 2021 et le bannissement des cryptomonnaies de Chine, les fermes se sont installées principalement aux États-Unis et au Kazakhstan. « Or, ce second est peut-être l’un des pires endroits pour cela, car la production d’électricité est très consommatrice en eau », déplore-t-il. Voilà qui explique le passage de 600 GL en 2020 à 2 200 GL en 2023.
Pour réduire cela, le passage à l’énergie renouvelable est enviable — et donc l’implantation de nouveaux moyens de production apparaît comme une solution. « Mais cela doit être du solaire ou de l’éolien car l’hydroélectrique fait perdre beaucoup d’eau par évaporation », avertit-il. Le plus efficace reste peut-être le changement du protocole de vérification des opérations. En 2022, la seconde plus importante cryptomonnaie Ethereum est passée de la preuve de travail à la preuve d’enjeux, où cette fois-ci il n’y a plus de puzzle compliqué à résoudre. « Immédiatement, ce changement leur a fait réduire de 99,84 % leur consommation en électricité », a calculé le chercheur en 2023. Même si le calcul n’est pas fait pour l’eau, cette consommation s’est vue drastiquement réduite par la même occasion.
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