Une pollution jusqu’au bout du monde. On savait déjà que les crèmes solaires posent de sérieux problèmes écologiques. Certains composés tuent les coraux, par exemple. Mais une nouvelle trouvaille étend encore davantage leurs dégâts : cette étude publiée ce mois-ci, en janvier 2024, démontre la découverte de composés issus de produits de soin… jusque dans les neiges de l’Arctique. Ces ingrédients proviennent essentiellement des crèmes solaires (et plus précisément des filtres UV qu’elles contiennent), mais aussi de parfums, shampoings et autres lotions corporelles.
« Pour certains de ces produits chimiques, c’est la première fois que leur présence est signalée dans la neige au Svalbard », écrivent les chercheurs et chercheuses, qui appellent à de plus importantes études sur le sujet compte tenu « de leur impact potentiel sur les eaux douces et marines lors de la fonte des neiges dans le cadre du changement climatique ».
Quand la neige fond, elle libère les ingrédients toxiques
Ces recherches ont lieu dans le cadre du « Programme de surveillance et d’évaluation de l’Arctique » (Arctic Monitoring and Assessment Programme). Objectif de celui-ci : mesurer les effets du changement climatique sur cette région polaire, mais aussi détecter et comprendre les produits chimiques les plus préoccupants (sous l’acronyme CEAC, pour Chemicals of Emerging Arctic Concern). Il s’agit d’une liste de produits chimiques nocifs pour la région arctique.
Les auteurs et autrices de cette étude ont donc cherché 13 composants qu’on retrouve dans une grande partie des produits de soin corporels. Pour ce faire, sur place, ils ont prelevé des échantillons — à différentes profondeurs — sur cinq glaciers différents, espacés de 40 kilomètres au moins afin de mesurer la répartition possible de ces composés.
Tous les ingrédients en question ont été retrouvés dans les cinq glaciers de l’archipel du Svalbard. Parmi eux, du benzophénone-3 et de l’octocrylène, des filtres solaires présents en nombre dans la plupart des crèmes commercialisées. D’ailleurs, en mai 2023, en France, l’Anses (l’Agence nationale de sécurité sanitaire), a enclenché une procédure rare pour bannir l’octocrylène des crèmes solaires autorisées en France, en raison de son impact sur l’environnement et sur la santé (il se dégrade en composé cancérigène avec le temps). Cette procédure est pour l’instant en statu quo, et devrait être portée au niveau européen.
Ce que cette nouvelle étude n’est pas encore en mesure de préciser, c’est le niveau de dangerosité dans la concentration de ces composés, là où ils ont été identifiés. Mais l’inquiétude se porte aussi voire surtout sur la fonte des neiges : à mesure que ces ingrédients toxiques s’y accumulent, même en faible quantité, la fonte les libère ensuite en un afflux potentiellement élevé de contaminants. Les implications de ces relevés sont donc cruciales « si l’on considère que la couverture neigeuse annuelle est un réservoir temporaire de produits chimiques, qui sont réémis dans l’environnement en un temps relativement court pendant la saison de fonte », explique l’étude. Un impact « significatif » pourrait alors se faire sentir dans les eaux douces et marines, après chaque période de fonte, en augmentant graduellement les niveaux de concentration dans les écosystèmes.
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