Tout n’est pas fichu pour la mission lunaire Peregrine, mais il ne faut pas se leurrer, c’est un échec. Aucun atterrissage en douceur sur la Lune ne sera plus possible, comme le prévoyait Astrobotic Technology, l’entreprise qui a développé la mission avec le soutien de la Nasa. Peu après son lancement dans l’espace, Peregrine a rencontré un problème préoccupant. Mais que s’est-il passé précisément ?
Peregrine victime d’une fuite juste après son départ vers la Lune
C’est une malencontreuse fuite qui a ruiné tout espoir de se poser sur la Lune. Avant de poursuivre l’explication, il faut s’arrêter un instant sur le fonctionnement du vaisseau. « Le système de propulsion de Peregrine est constitué de 5 moteurs principaux, qui fonctionnent avec un oxydant et un carburant. Lorsqu’on les mélange, cela crée une explosion et change la vitesse du véhicule. Pour cela, il y a un réservoir rempli d’hélium, sous pression. Il permet de maintenir la bonne pression à l’intérieur des réservoirs des deux autres ergols », détaille Stéphanie Lizy-Destrez, enseignante chercheure à l’ISAE-SUPAERO en conception des systèmes spatiaux, auprès de Numerama.
Après le départ de Peregrine vers la Lune, l’équipe d’Astrobotic Technology a utilisé pour la première fois ce réservoir d’hélium. « La vanne a été ouverte pour envoyer de l’hélium dans le réservoir de l’oxydant, raconte la scientifique. C’est au moment de refermer la vanne que cela semble s’être mal passé, l’hélium a continué à rentrer dans le réservoir. Il y a eu trop de pression, et ce réservoir a dû se casser, provoquant une fuite de l’oxydant dans l’espace. »
Que s’est-il alors passé ? Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, la fuite n’a pas soudainement envoyé Peregrine valser dans la direction opposée. « Ça n’a pas changé la trajectoire de Peregrine, car il n’y a pas eu de variation de vitesse suffisante. Surtout, cela a modifié son orientation. C’est de cette façon qu’Astrobotic s’en est aperçu. »
On s’en doute, un vaisseau mal orienté complique énormément sa mission. L’orientation est la clé pour bien communiquer avec la Terre, approvisionner les batteries et se repérer. « Peregrine est équipé de censeurs stellaires, des détecteurs d’étoiles, indique Stéphanie Lizy-Destrez. Il vise certaines étoiles qu’il compare à son catalogue. S’il n’a pas la bonne orientation, il va regarder une partie du ciel qui n’est pas celle qui était attendue. Il arrive dans de mauvaises conditions par rapport à sa mission initiale. » Depuis, Astrobotic Technology a pu corriger ce problème d’orientation, et Peregrine est actuellement bien sur sa trajectoire vers la Lune.
« Se poser sur la Lune, ce n’est pas qu’y aller »
Mais, le mal le plus terrible est fait, avec cette fuite. Même si elle n’empêche pas Peregrine d’évoluer dans l’espace, elle a enterré tout espoir d’atteindre la surface lunaire sans heurts. « Se poser sur la Lune, ce n’est pas qu’y aller. Certes, pour Peregrine le transfert est encore possible. Mais, après, il faut réduire sa vitesse, pour s’insérer en orbite autour de la Lune, c’est-à-dire qu’il faut faire des manœuvres dans le sens opposé. S’il n’y a plus assez de carburant dans les réservoirs, on ne peut pas faire ces manœuvres-là. Ce qui est le plus couteux, c’est la toute dernière manœuvre pour se poser, sur les 15 derniers kilomètres. Sans réserve de carburant, c’est impossible. »
Pour l’instant, la mission Peregrine est donc condamnée à évoluer dans l’espace. Sa situation n’affole pas la Nasa autant qu’on pourrait le croire. Comme l’explique Stéphanie Lizy-Destrez à Numerama, Astrobotic et la Nasa n’ont en vérité aucun intérêt à prendre des décisions hâtives sur le sort de Peregrine. « La sonde est sur une trajectoire balistique, qui ne nécessite pas de manœuvres. Peregrine est comme tous les autres satellites autour de la Terre, simplement plus loin, et sur une orbite autour de la Terre dont l’apogée est sur la trajectoire de la Lune. C’est la force d’attraction de la terre qui le déplace. »
La question reste donc entière : que va devenir Peregrine ? Il est trop tôt pour le dire, mais la sonde pourrait rester « dans l’espace cislunaire, entre la terre et la Lune, pendant très longtemps. Si on ne la touche pas, elle va rester là. »
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