La Lune est entrée dans une nouvelle ère, si l’on en croit cette étude publiée dans Nature en janvier 2024 : l’Anthropocène lunaire. L’expression est inspirée de la notion d’Anthropocène, déjà connue, bien qu’elle fasse encore débat sur sa temporalité. Elle correspond à l’ère géologique à partir de laquelle les humains sont devenus la principale force de changement sur Terre. Ce qui se traduit notamment par le dérèglement climatique, ou encore une omniprésence du plastique.
L’idée est sensiblement la même appliquée à notre satellite naturel. Et il serait temps de documenter « l’influence humaine sur la Lune », estiment les auteurs de cette étude. Aussi car, plus que jamais, il existe des risques de détériorer son environnement.
L’Anthropocène lunaire a déjà commencé
La Lune est explorée depuis plusieurs décennies maintenant, et ce n’est pas sans conséquences à sa surface. En premier lieu en raison des crashs. Dès 1959, la sonde soviétique Luna 2 s’y est écrasée. Ce fut la première, mais pas la dernière : l’étude relève toute une série d’impacts de plusieurs mètres de diamètre chacun. Encore récemment, en août 2023, la sonde Luna-25 s’y écrabouillait.
Mais ce ne sont pas les seules traces laissées par l’être humain sur la Lune. On y trouve différents artéfacts :
- Des composants abandonnés de vaisseaux ;
- Des équipements scientifiques ;
- Des sacs d’excréments ;
- Des drapeaux ;
- Des balles de golf ;
- Des photographies ;
- Des textes religieux.
Sans compter que « les empreintes de pas et les traces de roues des rovers sont des prolongements de la présence humaine sur la Lune et doivent être considérées comme des éléments culturels importants de la dispersion de notre espèce dans le système solaire », ajoutent les auteurs. S’ajoute l’accumulation de débris spatiaux dans l’orbite terrestre, qui posent déjà un problème en tant que tel, mais pourraient aussi se frayer un chemin vers la Lune.
Il faut protéger la Lune
L’objectif premier de cette étude est de rappeler qu’une protection de la Lune est nécessaire, a fortiori car la nouvelle ère de l’exploration spatiale s’accélère et que notre satellite naturel est au cœur de nombreuses missions. C’est le cas du programme Artémis, qui organise peu à peu un retour des humains autour de la Lune puis sur la Lune, dressant pour horizon la construction d’une station en orbite (Lunar Gateway) puis des habitats de recherche sur la surface.
Les processus culturels d’exploration lunaire « commencent à dépasser le contexte naturel des processus géologiques sur la Lune », estime Justin Allen Holcomb, l’un des auteurs de ces travaux, auprès de CNN. Il explique notamment que « l’impact des rovers, des atterrisseurs et des déplacements humains perturbe considérablement le régolithe » (à savoir la poussière constitutive du sol lunaire). Or, avec le développement de l’exploration spatiale, la Lune va subir d’autant plus de perturbations. « De nombreux pays seront présents, ce qui entraînera de nombreux défis. » Il faut donc la protéger « avant qu’il ne soit trop tard ».
En conceptualisant une nouvelle époque géologique pour notre satellite, la notion d’Anthropocène lunaire est, selon les auteurs de cette étude, une façon de désactiver l’idée reçue que la Lune serait un objet statique ne pouvant être détérioré, et ainsi de faciliter les discussions « sur notre rôle en tant qu’agents géomorphologiques sur la Lune ».
Ce n’est pas la première initiative visant à protéger la Lune. L’organisation For All Moonkind, interviewée dans Numerama en 2019, milite pour intégrer la Lune dans le patrimoine de l’humanité, non pour se l’approprier mais bien pour la protéger d’un excès d’altérations. « Il y a de nombreuses missions prévues sur la Lune pour les prochaines années. Aujourd’hui, ce n’est pas grand-chose, mais demain ce sera massif », s’inquiétait déjà la fondatrice Michelle Hanlon.
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