On a tous en tête ces images de films catastrophes se déroulant dans l’espace, quand l’un des astronautes de l’équipe craque mentalement. Il se met alors à avoir un comportement autodestructeur ou, pire encore, il menace la survie de ses camarades. Il pourrait, par exemple, tenter d’ouvrir l’écoutille pour emporter tout le monde avec lui dans la mort.
Tout cela relève aujourd’hui de la pure fiction. L’aventure spatiale a traversé des drames, comme l’embrasement de la capsule d’Apollo 1, ou l’explosion des deux navettes américaines, mais il n’existe pas de cas documenté sur ce genre de scénario. En tout cas, pas au point de mettre en péril la sécurité de l’équipage ou bien le succès de la mission.
Sélectionner des astronautes mentalement sains
L’entraînement des astronautes avant de partir a, bien sûr, énormément à voir avec cette réalité. D’abord, les candidats et les candidates recrutés pour rejoindre l’aventure sont sélectionnés avec la plus grande des précautions. On veut du personnel mentalement sain là-haut, avec un moral solide, stable et positif.
C’est ce que rappelle l’agence spatiale canadienne. La bonne santé mentale de départ ne fait pas tout, néanmoins. Une fois sélectionnés, les aspirants astronautes sont formés et entraînés pour « rester forts », surtout durant les « situations intenses et stressantes » qui peuvent survenir dans l’espace, un environnement isolé et hostile.
« Les astronautes répètent ces formations suffisamment souvent pour pouvoir anticiper leurs propres réactions et celles de leurs coéquipiers », ajoute l’agence. « Ils reçoivent également un soutien constant des équipes sur Terre et ils ont accès à un éventail d’outils pour les aider à faire face à des situations potentiellement difficiles. »
C’est d’autant plus nécessaire que les séjours dans l’espace peuvent être longs : comptez six mois pour une mission classique dans la Station spatiale internationale (ISS). Sans doute plus quand on retournera sur la Lune. Et la simple idée de quitter la Terre et son atmosphère est assez troublante pour faire vaciller une personne.
Que fait-on si un astronaute craque ?
Mais que se passerait-il si, malgré tout, quelqu’un se trouvant à bord de la Station spatiale internationale (ISS) ou bien dans un quelconque vaisseau spatial vrillait ? Comment l’empêcher de se blesser, de se suicider ou bien de s’en prendre aux autres ou à son environnement ? Bien sûr, ce genre de scénario a été pensé.
On sait que les agences spatiales réfléchissent à la survenue de situations atypiques dans l’espace. On vous renvoie à notre article sur la loi dans l’ISS dans lequel il est question de naissance à bord, de mariage, de crime et de territoire. Le sujet montre comment le droit s’applique dans une structure internationale située hors de l’atmosphère terrestre.
Des procédures existent pour traiter un craquage extra-atmosphérique (ou même si cela survenait au sol, par exemple, à bord d’une capsule en haut d’une fusée n’ayant pas encore quitté la Terre). Elles ne sont toutefois pas accessibles aisément — on peut le comprendre, ce sont des lignes directrices qui sont avant tout à usage interne.
En 2007, on a découvert une partie des procédures grâce à une demande formulée par l’Associated Press, dont CBS News s’était fait l’écho à l’époque. Cela ne permet pas de connaître tout ce que l’agence spatiale américaine a prévu pour gérer une personnalité instable à 400 km d’altitude, mais cela donne des premières pistes.
Ainsi, il est demandé aux autres membres faisant face à un astronaute ayant des visées suicidaires ou psychotiques de lui lier les poignets et les chevilles avec du ruban adhésif, de l’attacher avec un cordon et, s’il est ingérable, de lui injecter des tranquillisants. L’ISS est équipée en conséquence, avec tout le nécessaire médical pour des premiers secours.
Outre des tranquillisants, les kits médicaux de la station spatiale incluent des médicaments anti-dépression, anti-anxiété et antipsychotiques, selon nos confrères. Si l’astronaute en difficulté coopère, tant mieux. Mais il est aussi prévu de lui administrer les médicaments de force, en lui injectant, plutôt que de passer par la voie orale.
Durant cette procédure, il est aussi demandé de continuer à lui parler pour le rassurer autant que possible. « Expliquez ce que vous faites, et que vous utilisez une contrainte pour assurer qu’il est en sécurité », est-il indiqué dans les instructions. « Parlez avec l’individu pendant que vous le tenez ». Et ensuite ?
La suite dépend de l’état de l’astronaute et d’autres paramètres, comme la date de la prochaine rotation par exemple. La décision de le maintenir à bord ou de le renvoyer sur Terre — à supposer que cela soit possible (sur la Lune, ça serait très difficile) — est prise collégialement, avec le commandant de la mission, la Nasa et des spécialistes médicaux.
Le retour sur Terre est envisageable dans le cas de l’ISS, car il y a toujours des capsules de retour disponibles. Elles ne peuvent toutefois pas être utilisées n’importe comment. Il ne s’agirait pas de laisser le reste de l’équipage sans option pour évacuer la station en cas de problème plus grave encore. Ce ne serait vraiment pas de chance.
Les instructions dont a eu connaissance AP il y a plus de quinze ans font en tout 1 051 pages. Celles-ci traitent de toutes les situations médicales susceptibles de survenir dans l’espace — des bobos les plus bénins à des blessures très graves. Selon nos confrères, la gestion des urgences comportementales fait 5 pages.
Les instructions pour gérer celui qui perd pied ne sont pas davantage détaillées, mais on comprend que l’équipage sera amené à utiliser la force si nécessaire pour maîtriser son camarade. Une approche rugueuse, mais qui s’impose au regard de l’environnement très dangereux dans lequel une telle dérive se passerait.
Il n’y a pas non plus de taser ou de pistolet tranquillisant dans l’ISS, encore moins d’arme à feu. Bien trop dangereux. Une balle percerait la coque et la fuite d’air en résultant pourrait tuer tout le monde. « La Nasa a déterminé qu’il n’y a pas besoin d’armes à la station spatiale », avait déclaré le porte-parole.
L’avènement du tourisme spatial et le risque d’avoir des profils plus incertains
Les indications données à l’Associated Press concernent essentiellement les pratiques de la Nasa et, indirectement, celles des autres agences impliquées dans la Station spatiale internationale. Il est néanmoins probable que la Chine, qui fabrique aussi sa propre station en orbite autour de la Terre, a aussi réfléchi à cette problématique.
Aucun astronaute professionnel n’a semble-t-il craqué durant son séjour dans l’espace. L’avènement du tourisme spatial pose la question de l’arrivée de personnes avec des profils psychologiques potentiellement plus divers, et à l’entraînement et à la formation peut-être moins rigoureux et soutenus que ce que dispensent classiquement la Nasa ou l’ESA.
Un risque pour la sécurité des missions spatiales ? La question est légitime, d’autant que certains de ces vols touristiques vont dans l’espace, voire dans l’ISS pour un bref séjour. Cependant, comme le rappelait Futurism en 2021, citant la journaliste Miriam Kramer du site Axios, les vols privés prévoient aussi des mesures, au cas où.
Dans le cas de la mission Inspiration4 de SpaceX, par exemple, la capsule a embarqué aussi des dispositifs de retenue et des médicaments à utiliser au cas où quelqu’un deviendrait dangereux. On peut comprendre la prudence de l’entreprise américaine : monter à bord d’une fusée, aller dans l’espace et rester en orbite un temps… tout cela peut donner le vertige.
« Ils doivent également se préparer aux pires scénarios, comme celui où un membre de l’équipage deviendrait dangereux pour lui-même ou pour les autres », a ainsi raconté Miriam Kramer dans un podcast, How It Happened. « Il y a des attaches de fermeture Éclair et des médicaments à bord au cas où quelqu’un aurait besoin d’être endormi. »
Invité à s’exprimer durant le podcast, Christopher Sembroski, qui a participé à la mission Inspiration4, a toutefois jugé que toutes ces dispositions sont là au cas où, mais que les risques sont, à ses yeux, en fait très bas. « Personne ne va craquer de cette façon, du moins pas à ce que nous avons vu jusqu’à présent », d’après lui.
« Il s’agit littéralement de dire ‘Ok, nous avons cet équipement à bord, et bien c’est pour ce moins d’1 % de chance que quelqu’un ait besoin d’un peu de soutien supplémentaire juste pour maintenir la sécurité de l’équipage’ », a-t-il ajouté. Mais ce pourcentage de risques n’a cependant pas exactement le même poids selon qu’il se déclenche au sol, dans la fusée, dans l’ISS, ou bien sur la Lune ou Mars.
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