Au cours des 20 dernières années, les nouvelles technologies développées par la Nasa ont abouti à un nouveau prototype de combinaison spatiale, xEMU (Exploration Extravehicular Mobility Unit). C’est de ces recherches que sont issues les futures combinaisons spatiales AxEMU de la mission Artémis III, dont le but est de relancer l’exploration lunaire par l’humanité.
Les nouvelles combinaisons sont en développement chez Axiom Space (sous contrat avec la Nasa). Cette entreprise a créé la surprise en annonçant, en octobre 2023, un partenariat avec la célèbre maison de couture italienne Prada.
Jusqu’à seize couches empilées pour protéger l’astronaute
Une combinaison spatiale ressemble à un vaisseau spatial… conçu pour un seul utilisateur et capable de se déplacer, avec deux composantes principales : le vêtement pressurisé et le système de survie.
Le vêtement pressurisé, qui peut comporter jusqu’à seize couches, épouse les contours du corps, le protège et permet une certaine liberté de mouvement.
Dans l’espace, les astronautes sont confrontés à un environnement hostile où la chaleur est transmise principalement via le rayonnement. Les couches extérieures des combinaisons sont exposées à des températures extrêmes (entre +120 °C et -180 °C) selon que l’astronaute reçoit des radiations solaires ou qu’il fait face à l’espace intersidéral, dont la température est de -270 °C. Pour isoler thermiquement les astronautes de l’extérieur, on utilise un système composé de nombreuses couches de mylar aluminisé.
En outre, la couche extérieure, constituée d’« Ortho-Fabric », doit non seulement protéger l’astronaute contre divers dangers, tels que les rayonnements ionisants, les rayons ultraviolets, le plasma et les micrométéorites, mais aussi remplir un rôle clé dans l’absorption et l’émission des rayonnements.
Ses propriétés thermo-optiques sont essentielles pour maintenir les astronautes à la bonne température. La couleur blanche caractéristique des combinaisons reflète une grande partie du rayonnement solaire direct et celui de la surface lunaire (albédo) tout en émettant une grande quantité de rayonnements.
Le challenge clé reste la poussière lunaire
La poussière abrasive de la surface lunaire, qui ne doit pas pénétrer dans la combinaison, constitue un défi de taille. En outre, ces poussières, qui constituent le régolithe (ou sol) lunaire, portent des charges électrostatiques. Ces charges font adhérer les poussières à la surface de la combinaison, ce qui complexifie considérablement la moindre tâche à réaliser pour les astronautes.
Gene Cernan, le commandant de la mission Apollo 17, a évoqué les difficultés liées à la poussière lunaire lorsqu’il a parlé de son expérience sur la Lune :
« Je pense que nous pouvons surmonter tous les problèmes physiologiques, physiques et mécaniques, sauf la poussière »
Gene Cernan
C’est pour cela que les xEMU actuelles intègrent un bouclier anti-poussière électrodynamique. Ce système exploite ces charges électrostatiques pour déloger la poussière lunaire des surfaces extérieures des combinaisons.
Un refroidissement interne pour rafraîchir l’astronaute
Si l’on isole complètement l’astronaute de l’environnement extérieur, on est confronté à un défi considérable : le corps lui-même diffuse de la chaleur par le biais du métabolisme, générant de 200 à 400 watts en fonction de l’activité physique, ce qui devrait entraîner une augmentation de la température à l’intérieur de la combinaison. Pour éviter ce problème, sous la couche pressurisée, le vêtement de refroidissement et de ventilation liquide (LCVG) est en contact direct avec la peau de l’astronaute.
Dans les années 1970, on s’est aperçu que le refroidissement par flux d’air n’était pas suffisant pour les combinaisons spatiales et le refroidissement par liquide en circuit fermé du LCVG a commencé à être utilisé.
Dans ce système, l’eau circule autour du corps à l’aide d’une pompe et absorbe la chaleur. Elle est ensuite dirigée vers un échangeur de chaleur dans le système de survie. Dans ce dispositif, l’eau d’un réservoir est exposée au vide et gèle, ce qui permet de réduire la température du circuit de refroidissement : lorsque la glace du réservoir absorbe la chaleur de fluide du circuit de refroidissement, elle est sublimée, c’est-à-dire qu’elle passe directement à l’état gazeux. Cette vapeur est libérée dans l’espace grâce à un système poreux.
Malgré l’efficacité de ce type de « sublimateur », la quantité d’eau qu’il consomme est trop élevée (près d’un demi-litre par heure), ce que ne peuvent pas prendre en charge les combinaisons xEMU actuelles.
Il a donc été remplacé par un système appelé SWME, où une membrane composée de fibres de polypropylène à pores de très petit diamètre est exposée au vide. L’eau liquide du système de refroidissement ne peut pas traverser la membrane (et ne peut donc pas sortir du système). Par contre, la vapeur peut passer par les pores de la membrane : la chute de pression dans le SWME provoque l’évaporation d’une partie de l’eau, qui est ainsi libérée dans l’espace – le système évacue ainsi une grande partie de la chaleur produite par le métabolisme de l’astronaute.
Éliminer le CO₂ et la vapeur d’eau avec une couche absorbante
Une des exigences fondamentales des combinaisons spatiales est la nécessité d’éliminer le CO2 et la vapeur d’eau de l’intérieur. L’excès d’humidité, en plus d’être inconfortable pour l’activité des astronautes, peut conduire à un phénomène de condensation à l’intérieur de la combinaison.
Les anciennes combinaisons EMU utilisaient un filtre en oxyde d’argent qui devait être remplacé après quelques heures d’utilisation. Les nouvelles combinaisons xEMU intégreront une amélioration significative : le système « Rapid Cycle Amine ». Dans cette technologie, le CO2 et le H2O sont absorbés par une couche absorbante. Pendant que cette première couche est exposée au vide, ce qui permet la libération des molécules dans l’espace (désorption), une seconde couche poursuit le processus d’absorption.
Ce cycle d’auto-régénération augmente l’autonomie des combinaisons.
Maintenir une pression adaptée pour échapper aux effets du vide
L’un des défis auxquels nous sommes confrontés lorsque nous travaillons dans l’espace, c’est le vide. Lorsque la pression de l’air diminue, la quantité d’oxygène devient insuffisante pour permettre aux astronautes de survivre.
Un des problèmes est que cette faible pression abaisse le point d’ébullition de l’eau. À plus de 19 kilomètres d’altitude, à une pression de 3,5 kilopascals, l’eau commence à bouillir à température ambiante… ce qui pose un problème sérieux, car le corps humain contient plus de 60 % d’eau. Ainsi, cette altitude est connue comme la « limite Armstrong », au-delà de laquelle les humains ne survivraient pas plus de quelques minutes.
Sans protection, l’eau de notre corps s’échapperait par les pores de la peau. En s’évaporant, elle absorberait la chaleur interne, ce qui provoquerait le gel progressif du nez et de la bouche. Même si la rigidité de notre peau et le pompage continu de notre système circulatoire empêchaient le sang de bouillir, il ne faudrait qu’une minute environ pour provoquer un arrêt cardiaque.
Il va de soi que les combinaisons spatiales doivent être pressurisées, mais une pression trop élevée entraverait la mobilité de l’astronaute. Pour les activités extravéhiculaires, les combinaisons spatiales sont donc généralement pressurisées à 30 kilopascals (soit un tiers de la pression ambiante sur Terre), avec de l’oxygène pur.
L’une des principales améliorations des combinaisons xEMU est leur système de pressurisation variable, qui permet de réduire le temps nécessaire aux astronautes pour adapter leur respiration à cette pression relativement basse et générée par de l’oxygène pur. Si la transition est trop brutale, l’azote contenu dans le sang peut former des bulles fatales, tout comme cela arrive aux plongeurs lorsqu’ils remontent à la surface, ou comme les bulles de CO2 qui se forment à l’ouverture d’une boisson gazeuse.
Les combinaisons spatiales sont des technologies relativement récentes – avec à peine 60 ans d’histoire – et le seul bouclier contre les conditions les plus défavorables auxquelles les humains sont confrontés dans l’espace. Elles devront aussi être nos alliées dans l’exploration de la Lune et d’autres planètes du système solaire. Nous ne sommes peut-être pas si loin de ce qui, hier encore, relevait de la science-fiction.
David González-Bárcena, Profesor ayudante doctor en el Departamento de Mecánica de Fluidos y Propulsión Aeroespacial de la ETSIAE e invesigador en el Instituto Universitario de Microgravedad « Ignacio da Riva », Universidad Politécnica de Madrid (UPM)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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