La tour Eiffel est corrodée. Au micro de franceinfo, les syndicats représentatifs du personnel (la CGT et FO) décrivent des « symptômes d’une dégradation inquiétante du monument ». Sur les réseaux sociaux, des images de tâches de rouille sur l’un des bâtiments les plus emblématiques de France défilent et provoquent l’emballement. Mais les annonces officielles sont rassurantes : non, la tour Eiffel ne menace pas s’écrouler.
Sa structure est donc corrodée, mais c’est normal. La tour est en fer puddlé, c’est-à-dire un matériau en fonte dont la teneur en carbone a été réduite. Si le procédé rend plus résistante la structure, cela ne l’empêche pas d’être sujette à l’oxydation. Le fer, en présence d’eau et d’oxygène, réagit pour former de la rouille. « Le facteur principal de l’apparition de corrosion est l’humidité. En plus de ça, l’usage de la tour (comme des chocs) accélère le phénomène », nous décrit Annick Texier, spécialiste des problèmes de corrosion sur les monuments historiques et retraitée du Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques (LRMH).
Peindre pour protéger
« On ne saurait trop se pénétrer du principe que la peinture est l’élément essentiel de la conservation d’un ouvrage métallique et que les soins qui y sont apportés sont la seule garantie de sa durée », prévenait déjà Gustave Eiffel dans son ouvrage La Tour de 300 mètres. Alors, depuis la conception de ses pièces en atelier, une peinture anti-corrosion est appliquée pour protéger la tour et ce processus est renouvelé tous les 7 ans. « Aucune autre structure métallique (ponts, grilles de jardin…) n’est entretenue à cette fréquence », pointe Annick Texier.
Chaque campagne de peinture de la tour Eiffel respecte un protocole bien précis pour que la protection soit la meilleure possible. « Avant de peindre, il faut préparer le support. Cette étape est l’aspect le plus important de la tenue de la peinture dans le temps. Moins la surface est nettoyée et moins la protection tiendra dans le temps », appuie la spécialiste. Il faut décaper la surface, gratter les zones rouillées.
Puis viennent les trois étapes de peinture. La couche primaire est une peinture anticorrosion et est appliquée à même la surface de la Tour. « Il est important d’appliquer cette couche dans de bonnes conditions. S’il pleut, par exemple, elle tiendra moins bien », note Annick Texier. Les couches intermédiaires font barrière à l’humidité, puis les dernières couches, de finition, sont celles qui donnent la couleur au monument.
Une vingtième couche de peinture avec des complications
Malgré les couches de peinture, la rouille revient et il faut recommencer le processus. Surtout que « des zones s’altèrent plus rapidement que d’autres, comme celles avec des rétentions d’eau », ajoute-t-elle. C’est pourquoi depuis 2019, la tour Eiffel est en travaux. C’est la vingtième campagne de peinture qu’elle connaît — la précédente s’étant déroulée de 2009 à fin 2010.
« On voit de la rouille, mais la structure est loin d’être en danger »
Annick Texier
Mais depuis, le chantier enchaîne les retards. Et pour cause, la crise sanitaire a joué son rôle mais les délais s’expliquent avant tout par la présence de plomb dans les peintures. La plupart des peintures anti-corrosion étaient, en effet, composées de plomb, un élément chimique toxique. Alors pour décaper la surface avant de repeindre la Tour Eiffel, il faut trouver le moyen de gratter la rouille – et donc les éléments en plomb – sans risque. « Aujourd’hui, il est interdit de faire des transferts de plomb vers l’atmosphère. Pour ces travaux, il faut que les échafaudages soient fermés et les travailleurs protégés », précise Annick Texier.
La Tour Eiffel n’est pas en danger
Un casse-tête demandant de retrouver un protocole de chantier. « Il faut trouver la meilleure solution : entre efficacité, durabilité, coût et durée de chantier », présente-t-elle. Alors, une partie de la Tour a bel et bien été décapée puis repeinte, mais pas l’ensemble de la structure. Du reste, des parties ont été seulement repeintes, quand d’autres attendent leur tour.
Cela veut-il dire que la tour Eiffel tombe en ruine et menace de s’effondrer ? Non, rassure Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments historiques dans plusieurs médias. Selon lui, la corrosion est superficielle et pose avant tout des soucis esthétiques, expliquant cette nouvelle campagne de travaux. « On voit de la rouille, confirme Annick Texier. Mais la structure est loin d’être en danger. D’autant que les normes de sécurité sur ce bâtiment sont importantes. »
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