Ce sont des neurones qui ne fonctionnent plus normalement, tout en restant pourtant actifs et vivants : une étude publiée le 2 avril 2024 met en avant la découverte de « neurones zombies » dans le cerveau. Et contrairement à ce que cette expression — utilisée par les auteurs — peut laisser penser, ces neurones n’ont rien de dangereux. C’est même tout l’inverse.
C’est au niveau du cervelet (cerebellum, le « petit cerveau »), que l’on trouve chez les vertébrés, que cette découverte est située. C’est une zone déterminante ; elle coordonne nos mouvements et notre équilibre, ainsi que notre apprentissage. Pour y parvenir, le cervelet reçoit en permanence des signaux d’erreurs et modifie notre réponse comportementale en itérant au fil de ces signaux très spécifiques.
On ignore précisément quelle forme prennent ces signaux dans le cervelet ni la manière dont ils sont traités. C’était justement le but de cette étude, basée sur des souris, dont le cerveau comporte de nombreuses similarités avec le nôtre. Pour cela, ils ont mobilisé une technique appelée optogénétique : il s’agit d’activer des neurones en particulier grâce à des signaux lumineux captés par les yeux. En l’occurrence, l’enjeu était d’activer les « fibres grimpantes » qui servent de points d’entrée aux signaux reçus par le cervelet.
« Les fibres grimpantes répondent normalement à des stimuli sensoriels, comme une bouffée d’air dans l’œil », expliquent les chercheurs. « En activant précisément ces fibres par optogénétique, nous avons pu faire croire à la souris qu’elle avait reçu une bouffée d’air, alors que ce n’était pas le cas. » Au fil des stimulations des fibres grimpantes via cet indice visuel, les souris ont appris à cligner des yeux en réponse à cette stimulation, même si celle-ci n’existait pas. Ici, il n’y avait pas réellement de bouffée d’air. « Cela prouve que ces fibres sont suffisantes pour entraîner ce type d’apprentissage associatif. »
Des neurones zombifiés qui nous apprennent beaucoup
La première découverte de l’étude est donc de prouver l’utilité des fibres grimpantes dans l’apprentissage associatif. Mais une seconde découverte, imprévue, est venue se glisser dans leurs travaux.
Pour mobiliser l’optogénétique, les chercheurs ont modifié génétiquement les souris en injectant, dans leurs fibres grimpantes, une protéine réactive à la lumière, appelée Channelrhodopsin-2 (ChR2 pour les intimes). Mais ces souris modifiées génétiquement ne parvenaient plus à répondre normalement, ensuite, à des signaux normaux comme une véritable bouffée d’air.
Les fibres grimpantes étaient accidentellement coupées du reste du circuit, alors même qu’elles continuaient de fonctionner. En somme, elles existaient, elles étaient actives, mais ne servaient plus à rien. « Il s’est avéré que l’introduction de ChR2 dans les fibres grimpantes modifiait leurs propriétés naturelles, les empêchant de répondre de manière appropriée à des stimuli sensoriels standard tels que des bouffées d’air », expliquent les chercheurs. Résultat ? Cela a eu pour effet de « bloquer complètement la capacité d’apprentissage des animaux » (mis à part via les stimulations par optogénétiques).
Pour leurs auteurs, le fait même qu’une modification des fibres grimpantes interrompt la capacité naturelle à l’apprentissage représente « la preuve la plus convaincante à ce jour que les signaux des fibres grimpantes sont essentiels pour l’apprentissage associatif (…) ». Ils veulent maintenant comprendre pourquoi et pourquoi l’ajout de la protéine ChR2 entraîne la zombification de ces neurones — car cela pourrait permettre de mieux en comprendre le fonctionnement fondamental.
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